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LA VIE ET LES TRAVAUX DE QUELQUES IMPRIMEURS BELGES, ÉTABLIS A L'ÉTRANGER, PENDANT LES XV ET XVI SIÈCLES.

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ARNOLDUS DE BRUXELLA, IMPRIMEUR A NAPLES, DE 1472-77.

Depuis que les religieux bénédictins de Subiac attirèrent Sweynheym et Pannartz dans leur monastère, depuis l'époque surtout où ces deux célèbres artistes se fixèrent à Rome, dans la maison de Petrus de Maximis, l'imprimerie ne tarda point à obtenir droit de cité dans la plupart des villes d'Italie. L'année 1469 la vit éclore à Venise et à Milan; en 1470, elle s'établit simultanément à Foligno, Trévi et Vérone; en 1471, six villes en furent dotées à la fois : Trévise, Bologne, Ferrare, Pavie, Florence et Naples.

La capitale du royaume de Naples occupe donc le cinquième rang dans la série glorieuse des cités transalpines, qui reçurent au XVe siècle des établissements typographiques.

L'art typographique parut à Naples sous le règne de Ferdinand I. Ce prince, qui aurait pu léguer à la postérité un nom vénéré, s'il n'avait souillé sa gloire par des actes de la plus basse vengeance à l'égard de ses sujets, alliait à un caractère cruel et vindicatif, l'amour le plus ardent pour

les sciences, les arts et les lettres, qu'il cultivait lui-même

avec succès.

Fils naturel d'Alphonse le Magnanime, auquel il succéda, son règne fut aussi dur et agité, que la fin de celui de son père avait été doux et pacifique; cependant, au milieu du soulèvement des grands et des guerres intestines, qui désolaient ce pays, au milieu des horreurs occasionnées par les invasions des armées étrangères, et les sanglantes exécutions qui sont les résultats ordinaires des réactions politiques, Ferdinand trouva le temps de faire fleurir les lettres, d'encourager les arts et d'honorer les sciences; et quoique l'histoire lui demande un compte sévère du sang de ses sujets, inutilement versé, des exactions sans nombre que la rapacité de son caractère lui fit commettre, elle ne peut se refuser à reconnaître, que sous le rapport littéraire et artistique, son règne n'ait été un des plus brillants des fastes de l'histoire napolitaine.

Une fois débarrassé des révoltes de ses barons, il s'appliqua surtout à encourager le commerce, en lui accordant de sages libertés; l'industrie, en lui donnant de généreux encouragements; les arts et les sciences, en les honorant par de justes récompenses; il sut, à l'exemple des Médicis et des Nicolas V, attirer dans son royaume tout ce que la Grèce comptait alors d'hommes savants et instruits, et les soustraire par là aux persécutions et à la tyrannie que les sultans, successeurs de Constantin et de Théodose, faisaient peser, à cette époque, sur ce malheureux pays. Ce fut lui qui, en 1465, introduisit à Naples l'art de fabriquer les étoffes de soie, et quelques années plus tard, l'art de préparer la laine; en 1468 et 1474, il y établit le consulat des orfèvres. Mais le plus grand bienfait dont il favorisa ses sujets, c'est de les avoir fait jouir de bonne heure de l'art divin de l'Imprimerie, qui avait, seulement depuis peu d'années, fait son apparition en Italie.

Les écrivains ne sont point d'accord sur qui Ferdinand jeta les yeux, pour réaliser son projet de doter sa patrie de la plus belle invention du XVe siècle; quelques-uns (1) soutiennent qu'Arnoud de Bruxelles fut chargé le premier, par ce prince, de former un établissement typographique; d'autres, et de ce nombre est Guiliano Majo ou Maggio (2), prétendent que Mathias Moravus, qui avait déjà eu des presses à Gênes, introduisit l'Imprimerie à Naples, d'après les conseils du moine Blaise; d'autres enfin (3), l'attribuent à Sixtus Riessinger.

Quelque satisfaction que nous éprouverions de pouvoir révendiquer cet honneur en faveur d'un de nos compatriotes, nous devons reconnaître cependant que les monuments typographiques de l'époque, qui sont la meilleure preuve en cette matière, ont depuis longtemps résolu la question en faveur de Riessinger; en effet, des travaux importants, dont les dates ne peuvent laisser aucun doute, prouvent que ce laborieux artiste se trouvait déjà, dès l'année 1471, à la tête d'un établissement typographique, tandis qu'à

(1) Giannone, Histoire civile du royaume de Naples. La Haye, 1742; t. III, p. 569. - Summonte, Istoria di Napoli, t. III, p. 488. — Passaro, apud Summonte. Dictionnaire biographique de Chaudon et - Toppi, Bibl. napoletana, p. 17. (2) Dans l'épitre dédicatoire de son livre de Priscorum proprietate verborum, de 1475, imprimée dans Meerman, Annal. typogr., t. II, p. 118.

Delandine, vo Ferdinand.

(3) Lorenzo Giustiniani, Saggio storico-critico sulla tipografia del Regno di Napoli. In Napoli, 1793 ; in-4o, p. 22. Marchand, Hist. de l'imprimerie, p. 59, et Suppl. p. 48. Maittaire, Ann. typ., t. I, p. 28. Malinkrot, De arte typogr., p. 84. Chevillier, Origine de l'imprimerie de Paris, p. 125. - La Serna, Dict. bibl. du XVe siècle, t. I, p. 259. Tiraboschi, Storia della letteratura Italiana, t. VI, pars I, p. 439.. Falkenstein, Geschichte der Buchdrukerkunst. Leipzig, 1840; p. 227. — Orlandi, Origine della Stampa, p. 126. — Peignot, Dict. de Bibliogie, t. III, p. 325. — Tom. Bozio, De sign. eccl., cap. 5, sig. 93. Rocca, De typogr. rapport., par Summonte, Istoria di Napoli, t. III, p. 488.

cette époque, aucune production des presses d'Arnoud de Bruxelles ne vient témoigner de son existence comme imprimeur. Quant à Mathias Moravus, il est certain qu'il imprimait encore à Gênes en 1474, et qu'il ne vint à Naples qu'en 1475; et quant à la dédicace de Giuliano Majo, il est évident qu'elle ne doit être considérée que comme une épître adulatoire, dont les auteurs du XVe siècle étaient si prodigues envers leurs imprimeurs.

Sixtus Riessinger, Riesinger ou Rusinger, mais non Rufigner, comme le nomme Gallizioli (1), peut être regardé comme un des imprimeurs les plus distingués de son siècle; il appartient à cette légion de prêtres instruits, qui prirent une si large part au développement et à la propagation de l'Imprimerie dans tous les pays de l'Europe; nous avons déjà eu occasion de le dire (2), prêtres, nobles, savants, personne ne croyait contraire à sa dignité, à son rang, à sa naissance, de s'occuper d'un art essentiellement civilisateur. Parmi le nombre immense de prêtres qui s'occupèrent, pendant les XV et XVI° siècles, de travaux typographiques, nous nous contenterons de citer Petrus Posa, qui imprima à Barcelone, de 1481-1494; Petrus Valla, artiste à Brescia, en 1473; Bapt. Farfengo, dans la même ville, de 1490-99; Caspar Lampugnani a Milan, en 1484; Andreas de Bosiis, dans la même ville, en 1492; Bonetus Locatellus, à Venise, en 1486; Joannes Weyssenburger, à Nuremberg, en 1503, etc.

Parmi les nobles, nous nous bornerons à nommer Gutemberg, issu d'une famille équestre de Mayence; Jean Philippe de Lignamine, imprimeur à Rome, chevalier sicilien, ami de Sixte IV (3); Christophe Beggiamo, issu d'une illus

(1) Gio. Gallizioli, Origine della stampa e degli stampatori di Bergamo, dissertazione all' accademia degli Eccitati, 1786. (2) P. 77.

(3) Maittaire, Ann. typ., t. I, p. 28. p. 361.

Mongitore, Bibl. sicula, t. I,

tre et noble famille de Savigliano (1); François Tuppo, à Naples, et Jenson, à Venise, qui, après avoir été nommé Comte Palatin par le pape Sixte IV, ne continua pas moins à exercer son art; parmi les savants, il suffit de citer les Alde, les Badius, les Etienne, les Rescius, etc.

Si l'on peut en croire Giustiniani (2), Riessinger aurait été disciple de Gutemberg; ce qui est certain, c'est que ce fut lui qui, vers l'année 1471, introduisit l'Imprimerie à Naples, et qu'il s'y distingua si bien par sa conduite et l'austérité de ses mœurs, qu'il ne tarda pas à captiver l'estime de Ferdinand et l'affection de la noblesse du royaume. Ce prince, jaloux de le fixer definitivement dans ses états, le combla de bienfaits, lui accorda diverses prérogatives et franchises, et lui offrit même des évêchés et d'autres dignités ecclésiastiques; mais ce prêtre modeste refusa des offres si brillantes, et préféra rentrer dans son pays; il y accepta des fonctions sacerdotales et y mourut à un âge très-avancé (3).

Riessinger était à peine établi à Naples, qu'il y fut suivi par un de nos compatriotes, par Arnoud de Bruxelles, Arnaldus ou Arnoldus de Bruxella.

Arnoud était Bruxellois, tous les auteurs en conviennent, et lui donnent même la qualification générique de Flamand (Fiammingo (4), qu'on donnait, à cette époque, à tous ceux qui étaient originaires de la Belgique; du reste, son

(1) La Serna Santander, t. I, p. 447. stampa. Cagliari, 1778; in-8°, p. 25.

- Vernazza, Lezione sopra la

(2) Giustiniani, Saggio storico-critico sulla tipografia del Regno di Napoli. In Napoli, 1793; in-4o, p. 22.

(3) Marchand, Hist. de l'impr., Suppl. p. 49, not. 59.

Schæpflini,

Vindicia typogr., p. 119. — La Serna Santander, t. I, p. 260. — Giustiniani, ubi supra, p. 23. Malinkrot, de ortu el progresssu artis typogr., p. 84. - Falkenstein, uòi supra, p. 228.

Wimplelingii, Epit. rerum germanic., cap. 65. — Chevillier, Origine de l'impr. de Paris, p. 125.

(4) Giustiniani, ubi supra, p. 43. — Giannone, Hist. de Naples, t. III, p. 569.

Falkenstein, p. 228.

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