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généralité, et les maximes trop générales sont rarement vraies. Quoi qu'il en soit, voici une considération que nous regardons comme plus exacte et plus consolante pour le philosophe et pour le chrétien. Si l'histoire des hérésies, comme celle des opinions de tout genre, nous oblige de supposer que Dieu a laissé les différentes sectes, ainsi que le monde, aux disputes des hommes, il n'en est pas moins vrai que l'Église et la vérité, qui en est le caractère distinctif, se font reconnaître par leur immutabilité, au milieu des opinions et des partis qui les environnent et qui les menacent. Les opinions changent et se succèdent; la vérité reste toujours la même; heureux celui qui peut l'atteindre!

L'auteur, jusqu'ici, a traité spécialement l'histoire des conciles; dans les six volumes suivans, il nous présente l'histoire ecclésiastique générale, qu'il a divisée en deux parties. La première, qu'il appelle politique, comprend le commencement, les progrès et la chute du pouvoir sacerdotal; la seconde, qu'on pourrait nommer religieuse, renferme tout ce qui n'a pu trouver place dans la première; savoir, les dogmes, soit orthodoxes, soit hétérodoxes, des diverses sectes, les schismes, les points de discipline les plus remarquables, et les détails sur les mœurs des papes et du clergé.

Pendant que les églises chrétiennes de l'Orient, leurs évêques qui en devinrent les maîtres, et leurs diocésains qui en furent les sectateurs, continuaient à se disputer, à se poursuivre et à s'excommunier, les évêques de Rome, plus ignorans que les évêques grecs et les évêques orientaux, par conséquent moins occupés des théories spéculatives que des affaires pratiques, se bornaient à essayer leurs moyens, à profiter des circonstances, et à établir de plus en plus leur influence, d'abord sur les évêques, puis peu à peu sur les princes. L'auteur marque ces degrés, par lesquels le pouvoir pontifical s'est élevé au-dessus de la puissance politique. Les empereurs païens étaient

à la fois souverains et pontifes; mais, Constantin affaiblit la puissance impériale, en concédant aux prêtres une partie de ses prérogatives. Dès lors, ils commencèrent à faire sentir leur nouvelle influence, qui ne déploya cependant toute sa force que plusieurs siècles après. On voit, dans l'histoire des luttes théologiques des premiers siècles du christianisme, les empereurs grecs, tantôt les égaux, tantôt même les maîtres des évêques; ils siégeaient avec eux; ils défendaient, avec les armes de la controverse, l'opinion ou l'hérésie qu'ils avaient préférée. L'auteur nous montre la plupart des évêques grecs prêts à changer d'opinion et de langage, quand la cour voulait bien attacher assez d'importance à leur voix pour l'acheter par ses faveurs. L'histoire ecclésiastique présente, dans la suite, un aspect bien différent. Le schisme entre les Grecs, faisant disparaître le contre-poids qui balançait le pouvoir de l'évêque de Rome, changea dans l'Occident la république chrétienne en une monarchie presque absolue, et remplaça l'aristocratie des évêques par la domination suprême des papes. Dès lors, dit l'auteur, plus d'indécision sur le but qu'il fallait se proposer; plus de variation dans la marche qu'on devait suivre; plus d'intérêts opposés : tout marcha vers un but unique, la monarchie universelle. Ainsi, les évêques de Rome, après s'être mis au rang des monarques de la terre, font dominer leur siége sur les siéges 'de leurs collègues en Occident, et du haut de leur trône menacent les trônes de tous les souverains. Cette révolution ne fut pas l'effet de la puissance ou du génie supérieur d'un seul individu: elle s'opéra peu à peu; elle eut son commencement, ses progrès, sa décadence.

Ce fut l'ignorance générale qui prépara, au Ie siècle, la suprématie du sacerdoce; et ce fut par celui-ci qu'on vit naître, pendant le x1e siècle, tant de révolutions politiques dans presque tous les états de l'Europe. Nous retrouvons en

core, dans la suite, les disputes, les anathèmes, les divisions; mais la lutte s'établit, tantôt entre le pape et les évêques, tantôt entre le pape, et les rois. On avait dominé par l'opinion, on voulut dominer par la force; on voulut asservir les rois, comme on avait soumis les évêques. De là, de nouveaux scandales, de nouveaux schismes, des rébellions, des assassinats, des parricides, des guerres. L'historien nous rappelle combien de fois des évêques, des abbés, des moines, levant les armes, comme les Guelfes, les uns au nom du Christ, les autres, au nom de la liberté, combattirent, à la tête des peuples fanatisés, pour la toute-puissance des papes; c'était le plus grand abus qu'on pouvait faire d'une religion de paix et de charité. L'histoire de Henri IV, de Frédéric II et de leurs familles, fournit des lecons que les peuples, les princes et les magistrats ne devraient jamais oublier. Que de peines et de dangers pour se soustraire au joug honteux auquel ils s'étaient soumis insensiblement! De là, tant de réformes et de schismes que l'Église eut à souffrir, on dont elle se vit menacée; de là, la séparation des états du Nord et de l'Angleterre. Enfin, après tant de luttes scandaleuses, les peuples, ainsi que leurs princes, connurent mieux leurs droits et leurs moyens, et employèrent les uns pour revendiquer les autres. Ainsi, Charles-Quint tint prisonnier Clément VII, pendant qu'il faisait des prières à Dieu pour sa délivrance; la république de Venise méprisa l'interdit de Paul V; Louis XIV fit braver le pape jusque dans ses états; et Clément XI se vit menacer par l'empereur Joseph, dont l'exemple fut suivi par Joseph II. De même, les investitures, les immunités et d'autres prétentions ecclésiastiques furent tout à coup attaquées de toutes parts; et les jésuites, qui combattaient avec le plus d'ardeur pour elles, furent aussi renversés. Ainsi, l'esprit d'une sage réforme, sans schisme, continuait tranquillement sa marche; et il ne se serait pas arrêté,

si la révolution française, exagérée par ses ennemis comme par ses amis, ne l'avait pas fait rétrograder.

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Nous n'avons indiqué jusqu'ici que les idées générales de la première partie de cette histoire ecclésiastique. L'auteur présente, dans sa seconde partie, un tableau des dogmes, de la discipline, des schismes et des mœurs de l'Église chrétienne. Devant pour cela parcourir les fastes scandaleux du pape Formose, d'un Étienne VI, qui, après avoir déterré et mutilé le cadavre de ce dernier, est, à son tour, étranglé; de Jean XI, créature et amant de Marosie; d'un Sergius III, leur fils; du cruel Jean XII, tué dans un rendez-vous de galanterie; de Benoît IX, élu pape à dix ans, et le spectacle encore plus funeste de cinq papes à la fois, se disputant la thiare, comme jadis plusieurs brigands se disputaient l'empire romain; l'auteur craint, dit-il, et il s'en avise un peu tard, de scandaliser ses lecteurs. Il s'appuie de l'exemple et de l'autorité de Baronius même, cardinal, et jésuite complaisant. Cet écrivain, qui ne voyait l'église du Christ que dans la cour du pape, avant de passer en revue, dans sa longue histoire, ces époques scandaleuses, conjure ses lecteurs de ne pas s'en prendre à lui, s'il est obligé de les introduire dans l'abomination de la désolation du temple. L'Église, dit-il lui-même, ne pouvait se trouver agitée par de plus violentes tempêtes, ni menacée par un danger plus manifeste de périr entièrement. Les persécutions sous les empereurs païens, les hérésies, les schismes, ne lui paraissent que des jeux d'enfans, auprès des maux que le saint-Siége apostolique a soufferts, lorsque d'horribles monstres, qui l'occupaient, se sont couverts d'une éternelle infamie.

Pour ce qui regarde les dogmes, l'auteur nous retrace l'histoire des Manichéens et de toutes leurs subdivisions; telles que les Albigeois, les Vaudois, les Hussites, etc., qui ont donné l'occasion d'exercer le zèle de tant de papes, et sur- Mars 1824.

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tout de saint Dominique, et d'organiser la croisade et la sainte inquisition contre les chrétiens. Il n'épargne pas les modernes réformateurs qui, se séparant de l'église romaine, ont fini par se séparer eux-mêmes les uns des autres, et par multiplier les schismes et les sectes. Enfin, il n'oublie aucun des scandales qui, dans le cours de tant de siècles, ont menacé de détruire le véritable esprit de l'église du Christ. Peut-être des lecteurs que l'amour du repos, ou quelque autre intérêt rend timides ou indifférens devant l'erreur et le préjugé, à l'aspect de cette histoire, crieront-ils au scandale; quant à nous, nous pensons, au contraire, que la lecture de semblables ouvrages ne peut que faire sentir de plus en plus aux vrais philosophes la nécessité de la tolérance, et que le vrai chrétien doit y apprendre à mieux distinguer le caractère sacré de la religion, des abus et des vices qui en sont les plus grands ennemis. F. SALFI.

DE LA PHILOSOPHIE MORALE, ou Des différens systèmes sur la science de la vie; par Joseph DROZ (1).

ESSAI SUR L'EMPLOI DU TEMS, Ou Méthode qui a pour objet de bien régler sa vie, premier moyen d'être heureux; par Marc-Antoine JULLIEN, de Paris. Troisième édition, entièrement refondue, et très-augmentée (2). De tous les objets auxquels peut s'appliquer la pensée hu

(1) Paris, 1823. 1 vol. in-8° de 300 pages. Renouard; prix 5 fr. (2) Paris, 1824. 1 vol. in-8° de 568 pages, avec une gravure: l'Économie recueille les résultats de l'emploi du tems; et une planche lithographiée: Courbe de la vie, et avec divers tableaux et modèles des trois livres pratiques d'emploi du tems: Mémorial analytique, ou Journal des faits et observations; Agenda général; Biomètre, proposés pour appliquer la méthode. Dondey-Dupré père et fils; prix 7 fr.

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