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tion; mais un écrivain judicieux doit savoir quelquefois s'enrichir de ses pertes.

J'irai plus loin encore, et je dirai à M. de Salvandy : « Votre Alonzo est l'ouvrage d'un homme supérieur; mais la nature de votre talent vous appelle à écrire l'histoire, à discuter dans de graves et véridiques récits les grands intérêts de l'humanité, les hautes questions de la politique et du bien-être social. Cette vocation n'est point à dédaigner. Si la gloire de Walter-Scott est brillante, combien plus durable, plus imposante est la gloire des Tacite, des Robertson, des Montesquieu ! »

Camille PAGANEL.

III. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

LIVRES ÉTRANGERS (1).

AMÉRIQUE.

ÉTATS-UNIS.

Sixième

214. The sixth annual Report of the Managers of the Society for the prevention of pauperism in the city of New-York, etc. Rapport annuel des Directeurs de la Société pour la répression de la mendicité dans la ville de New-York, lu le 7 février 1823. New-York. In-12 de 2 feuilles d'impression.

Dans une Notice sur la prison de New York, insérée au commencement de notre tome xvi, nous avons déjà eu occasion (voy. p. 9) de faire observer que l'état des maisons de correction aux États-Unis, d'ailleurs si satisfaisant sous le rapport de l'humanité, laissait prise à un abus qu'il fallait signaler. La douceur, la bonté même avec laquelle les détenus y sont traités engagent souvent, disions - nous, des individus pauvres à commettre un léger délit, afin de pouvoir y passer la saison rigoureuse de l'hiver, dans une situation beaucoup moins pénible que celle qui les attend chez eux. Cette considération paraît avoir fixé l'attention des directeurs de la Société pour la répression de la mendicité dans la ville de New-York, et ils ont introduit dans la maison de correction de cette ville le stepping mill (moulin à pied), employé depuis quelques années en Angleterre, et dont les heureux effets y sont aujourd'hui généralement reconnus. La découverte de cette machine, dont les nombreux avantages et l'introduction aux États-Unis font le sujet du rapport que nous annonçons, est due à un Anglais, M. William CUBITT, qui la fit essayer pour la première fois, en 1818, dans la prison de Bury. Elle a été présentée au maire de New-York par deux personnes, dont l'une, M. Isaac

(1) Nous indiquerons par un astérisque (*) placé à côté du titre de chaque ouvrage, ceux des livres étrangers ou français qui paraîtrout dignes d'une attention particulière, et dont nous rendrons quelquefois compte dans la section des Analyses.

Collins, est membre de la commission des directeurs de la Société. Un grand nombre de demandes ayant été faites des différentes parties des États-Unis, la commission, qui ne possédait qu'un ou deux modèles de ce moulin, crut devoir publier une explication détaillée de sa construction, avec des planches représentant les différentes parties dont il se compose et le moyen de s'en servir, afin qu'on pût en construire dans tous les états de l'Union. Les avantages du stepping mill sont : 1o que le travail n'exige ni adresse, ni tems pour l'apprendre; 2° que les prisonniers ne peuvent négliger leur tâche ou la faire faire par d'autres, car tous doivent travailler également et en proportion de leurs forces; 3° qu'il peut suppléer, pour toutes sortes de manufactures, à l'eau, à la vapeur, au vent ou ́aux chevaux, et qu'on peut s'en servir particulièrement pour la mouture du grain, qui est un objet considérable de dépense dans toutes les prisons; 4o enfin, comme un moyen de punition infaillible, en ce qu'il est continu et suffisamment sévère, et qu'il est redouté de tous ceux auxquels il a été infligé. Son travail monotone produit une terreur salutaire et dompte l'obstination du criminel le plus endurci. Les autres châtimens ont été regardés, en comparaison, comme une peine légère, parce qu'ils occupent l'esprit au lieu de l'effrayer, tandis que celle du stepping mill, au contraire, semble laisser une impression ineffaçable. D'un autre côté, non-seulement l'entretien de ce moulin ne demande aucuns frais; mais on en tire, comme nous l'avons déjà dit, un profit considérable. L'introduction du stepping mill dans le Penitentiary de New-York épargnera à cette ville 2,000 dollars, laquelle somme était autrefois dépensée chaque année pour la mouture des grains destinés à la consommation des prisons du comté. - Ainsi va disparaître l'abus qui existait dans les maisons de correction des États-Unis, dont l'administration, trop indulgente, au lieu d'atteindre son but, contribuait, comme nous l'avons remarqué, à endurcir le criminel par l'impunité, et à nourrir l'indolence coupable de quelques êtres vils qui ne rougissaient pas de commettre quelque léger délit pour se procurer, dans les prisons, une existence plus douce que celle qu'il aurait fallu acheter par le travail. W.

НАЇТІ.

215. Le Propagateur Haïtien, journal politique et littéraire, publié par plusieurs Haïtiens. In-4°.

216. Opinion de la commission chargée par S. Exc. le président d'Haïti de lui faire un rapport sur différentes réclamations adressées au gouvernement, relativement aux mutations de droits et de pro

T. XXI. - - Mars 1824.

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priétés survenues dans la partie de l'Est, depuis sa réunion à la République; avec deux rapports sur le même sujet; l'un du sénat, et l'autre de la chambre des représentans.

217.

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Des Conspirations, par un homme des bois civilisé. Port-au-Prince, 1822.

Si les relations commerciales entre la France et Haïti sont aussi difficiles que les communications littéraires avec cette île, il est à craindre que nos fabriques ne perdent bientôt ce débouché. Malgré ces obstacles, qui privent tout ce qui nous arrive d'Haïti de l'intérêt qu'offrent toujours l'à propos et la nouveauté, nos lecteurs ne seront pas fâchés d'observer avec nous les progrès de la littérature d'un peuple d'anciens Ilotes, placé subitement et par une explosion politique, au rang des nations civilisées. Sa position est des plus avantageuses pour cultiver paisiblement ses facultés intellectuelles, sans négliger aucun des soins qu'exigent encore sa sécurité extérieure et le développement de tous les moyens de prospérité que lui promettent son sol et son industrie, sous une administration sage et populaire. Au dehors, il n'a plus d'autres ennemis que ses anciens maîtres, réfugiés depuis trente ans en Europe, et qui, aujourd'hui même, continuent à rêver la restauration complète de Saint-Domingue, avec la légitimité de l'esclavage et l'admirable législation du fouet et des supplices. Ils ne peuvent se persuader que leurs anciennes possessions coloniales sont occupées par une génération forte, pleine d'enthousiasme, fière de sa liberté, et qui montre avec orgueil les cicatrices des fers qu'elle a rompus. Tandis qu'ils vieillissent ici, et que leurs forces et leur activité décroissent de jour en jour, leur ennemi augmente les siennes, s'aguerrit, fait d'utiles conquêtes, obtient l'estime de tous les peuples avec lesquels il se met en relation, Les prétentions et les efforts des colons de Saint-Domingue n'auront désormais d'autres résultat que de gêner nos communications avec Haïti, et d'assurer aux fabriques étrangères la préférence que les nôtres auraient eue sur les marchés de cette île. Nous n'avons reçu le Propagateur Haïtien que jusqu'au mois d'octobre 1822. Ce recueil méritera d'occuper, comme monument historique, une place dans les bibliothèques. On y remarquera les soins persévérans d'un petit nombre d'hommes pour créer, instruire et défendre leur nation : on y reconnaîtra les vestiges de l'impression que les grands événemens de l'Europe ont produite sur cette nation, le jugement qu'elle en a porté, avec un désintéressement et une franchise que l'on ne trouve plus en Europe; la haine des colons, l'inquiétude avec laquelle les Haïtiens observent les manœuvres de leurs anciens maîtres, et lisent

les mauvaises brochures publiées en France en faveur de l'esclavage et du régime colonial; l'amour de la patrie, joint à une probité politique dont on trouve peu d'exemples, même dans l'histoire des républiques. Tous ces traits, qui caractérisent si bien un peuple bon et paisible, mais courageux et terrible contre ses ennemis naturels, seront recueillis et médités par les philosophes et par les hommes d'état. La brochure relative aux réclamations adressées par quelques habitans de la partie espagnole de l'île de Saint-Domingue au gouvernement haïtien, est pleine de sagesse, et prouve combien ce gouvernement est loin de préférer l'intérêt du fisc aux droits des particuliers, les moyens prompts et brusques aux voies modérées et douces, une ancienne législation dont il pourrait s'appuyer, au sentiment d'équité naturelle ou à des lois que la raison a dictées, mais qui n'ont pas encore reçu la sanction du tems. Les intérêts des absens, jusqu'au moment de la réunion à la république d'Haïti, sont réglés, pour cette partie de l'île, d'après la législation espagnole modifiée par les Cortès les chappellenies, sorte de biens mixtes, en partie ecclésiastiques, mais possédés par des laïques, sont traitées comme les autres propriétés des familles qui les possèdent, et régies par les mêmes lois. Point de confiscations ni d'impôts extraordinaires à payer par les absens; point de séquestres, ni de déplacemens de propriétés.—A la fin de la seconde brochure, nous lisons ce qui suit : « C'est à Haïti que notre président est né. Au sortir de l'enfance il s'enrôla sous les drapeaux de la liberté, combattit pour la conquête de nos droits, et plus tard, pour celle de notre indépendance. Élevé dans les principes du fondateur de nos institutions, ce fut sous ses yeux, et aidé par ses exemples qu'il s'avança vers le poste éminent qu'il occupe. Ses propriétés, sa famille, ses amis, sont à Haïti; tout ce qui attache les hommes au séjour de ce monde, il le trouve à Haïti. Le Port-au-Prince lui parle du grand homme à l'école duquel il s'est formé ; Jérémie, de la révolte de Goman qu'il a étouffée; le Nord, de la chute de Christophe, que son prédécesseur avait préparée, et que, plus heureux que le sauveur d'Haïti, il a su achever par son infatigable activité : l'Est, de la réunion générale qu'il a eu le bonheur de consommer. Haïti tout entière lui retrace les événemens glorieux qui marquent son administration. Il achèvera la tâche qui lui fut imposée par la Providence, dont le doigt est visiblement imprimé sur nos destinées. » — Cet échantillon du style d'un sauvage civilisé prouve que les lettres prospèreront à Haïti, et que les productions de la Zone torride ne seront pas les seules que l'Europe recevra un jour de cette île. Après avoir débuté par les discussions politiques,

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