Imágenes de páginas
PDF
EPUB

lues dans la plupart des autres industries à domicile, comme l'admet le programme général de l'enquête qui le définit « un entrepositaire qui exerce les fonctions d'entrepreneur, reçoit les commandes, les répartit, fournit généralement les matières premières et monopolise la vente des produits fabriqués, en dehors de ses propres locaux de travail ».

Le marchand de tresses, lui, n'a guère d'influence sur la production il reçoit régulièrement les produits achevés sans les avoir commandés, sans même avoir reçu d'ordres de sa clientèle; il ne fournit la matière première qu'à titre exceptionnel; enfin, notons aussi qu'il n'a pas de locaux de travail.

Mais ajoutons que si sa besogne est réduite, il doit la faire entièrement lui-même sans l'aide d'aucun employé. Un tel concours, vu l'état des affaires et la médiocrité des bénéfices, serait trop onéreux pour lui.

Quant à l'ouvrière, elle travaille seule ou avec la coopération exclusive de personnes de sa famille. Je n'ai pas rencontré de tresseuse occupant chez elle une sous-ouvrière salariée. Mais il se peut évidemment que le cas se présente à titre d'exception. Rien d'impossible à cela sous un régime de liberté.

Les tresseuses ne travaillent point pour un marchand unique. La plupart d'entre elles s'adressent à un ou plusieurs marchands. Disons ici que le nombre de ces derniers se restreint constamment. Les listes, soigneusement dressées, qui m'ont été fournies par l'Office du Travail, renferment déjà des noms qui doivent être rayés. Parmi les personnes citées, d'autres ne font pour ainsi dire plus d'affaires. L'une d'elles constate que ce commerce « n'est plus rien ». Elle paie une patente s'élevant à la somme minuscule de 5 fr. 40.

CHAPITRE III.

Crédit et capital.

Les marchands de tresses n'ont que du capital circulant, représenté par des marchandises emmagasinées, par des créances sur l'étranger, dont une partie, sous forme de traites, est généralement escomptée à 30, 60 ou 90 jours de date, enfin par un fonds de roulement.

A première vue, le capital nécessaire à ce commerce paraît devoir être fort réduit comparativement au chiffre d'affaires. Ce qui tend du moins à le faire croire, c'est l'absence du capital fixe et l'avantage qui en résulte de n'avoir point à rémunérer, assurer, amortir des valeurs engagées plus ou moins considérables.

Cependant, les capitaux effectivement requis pour le commerce des tresses dépassent en importance ce que l'on attendrait. Et cela pour deux raisons surtout. D'une part, il faut fournir des garanties aux établissements de crédit auxquels on s'adresse. Les affaires commerciales traitées, en effet, comportent d'assez gros risques. Il s'agit d'un commerce d'exportation les recouvrements sont plus malaisés, la sécurité moindre. L'ignorance des lois étrangères, les difficultés que l'éloignement attache à la procédure, autant d'éléments qui accroissent l'aléa. On m'en a cité des exemples.

D'un autre côté, l'accumulation des stocks non immédiatement revendus peut constituer, et constitue en effet, une immobilisation assez importante eu égard au chiffre d'affaires. L'usage où sont les marchands d'accepter tous les produits qui leur sont apportés, lors même qu'ils n'ont pas de commande en perspective, n'a pas laissé, en ces derniers temps,

d'aggraver la situation sous ce rapport. Dans certains cas, elle peut même être considérée comme passablement inquiétante, d'autant plus que les articles emmagasinés se détériorent plus ou moins, ou bien encore cessent d'être à la mode. On me cite des chiffres de 25,000, voire de 100,000 francs, représentant ces marchandises accumulées en morte-saison. Ailleurs, sans obtenir d'estimation, j'ai pu me rendre compte de visu de l'importance de ces stocks, qui finissent par devenir véritablement encombrants et ne se conservent pas toujours en très bon état.

Jadis ce grave inconvénient était évité d'une façon toute naturelle : la production d'une année s'écoulait invariablement au cours de l'année même.

[blocks in formation]

Cette question n'offre pas d'intérêt spécial. On, remarquera seulement que les ouvrières et les revendeurs des villages les plus éloignés des centres de la production sont tenus de porter leurs marchandises à plusieurs kilomètres et mème davantage de l'endroit qu'ils habitent, obligation qui réduit encore le faible bénéfice retiré du tressage

C'est même probablement ce qui explique la décadence plus accentuée du travail à domicile dans ces localités et sa plus grande persistance dans les autres, notamment à Glons, Boirs, Roclenge, Bassenge.

Jadis l'influence de cette inégalité naturelle était supprimée; les marchands, en effet, se rendaient eux-mêmes sur place pour prendre livraison des produits achevés. Telle était la conséquence de la prospérité de leur négoce.

II. DEBOUCHÉS ET CONCUrrence. CRISE.

A l'heure qu'il est, l'industrie du tressage de la paille n'a plus qu'un seul débouché les États-Unis de l'Amérique du Nord. Tous les autres marchés, elle les a successivement perdus, sans en excepter celui qu'elle semblait destinée à conserver le plus aisément et le plus sûrement le marché national.

Les négociants de tresses ne réussissent plus même à vendre ces articles à leurs voisins, les fabricants de chapeaux de

paille de la vallée du Geer. Tel est le fait grave qui doit être enregistré dès l'abord.

Si l'on se souvient qu'à l'origine, notre industrie était liée d'intime façon à celle, d'ailleurs naturellement connexe, de la fabrication des chapeaux de paille (1); si l'on observe que cette dernière continue à se développer normalement, tandis que la première est en proie à un dépérissement vraisemblablement sans remède, on ne laissera pas d'être surpris d'un état de choses évidemment aussi singulier.

Car c'est une étrange anomalie que, malgré l'énorme avance que lui vaut sa situation, à la porte même des ateliers de chapellerie, le producteur belge de tresses n'ait pu maintenir son prix de revient en dessous ou même au niveau de celui des articles étrangers similaires rendus dans la vallée du Geer. Mais on cessera bientôt de s'étonner en analysant la cause d'une telle infériorité.

Cette cause est double:

C'est, d'une part, en ce qui concerne les articles communs, l'extrême avilissement du prix de la main-d'œuvre chez nos concurrents de Chine, d'Italie et même d'Angleterre ;

C'est, d'autre part, relativement aux articles de choix, le savoir-faire exceptionnel de nos compétiteurs suisses, non seulement dans l'exécution, mais encore dans l'invention des modèles et l'art de les diversifier.

-

1. Articles communs. Il importe de constater tout d'abord et ceci est vrai aussi des articles de choix qu'on fait aujourd'hui des chapeaux « de paille >> avec toute sorte de matériaux et notamment en copeau, en soie artificielle, etc. Il suffit de visiter le grand atelier de MM. Fraikin, fabricants

(1) Connexité qui existe encore dans les familles ouvrières. Bien souvent le mari est couseur de chapeaux et la femme tresseuse. Ou bien encore la même personne se consacre alternativement aux deux industries: elle coud ou garnit des chapeaux pendant la saison, elle tresse pendant le reste de l'année.

« AnteriorContinuar »