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un peu trop de réclame, dans cette occurence, en faveur de leur estaminet ou de leur magasin.

Notons, cependant, que ces abus sont rares et qu'ils ne peuvent être attribués à la présence de sous-entrepreneurs, puisqu'à vrai dire ceux-ci n'existent pas.

Les seules personnes qui pourraient parfois revendiquer ce titre ce sont les cordonniers à domicile sottegemois et les maîtresses piqueuses de bottines,dans leurs contrats passés avec les apprentis. En effet, ces maîtres et maîtresses acceptent du travail chez le patron cordonnier et sont seuls responsables devant lui. A leur tour ils distribuent la besogne entre leurs apprentis et les paient comme bon leur semble.

Nous l'avons dit, l'apprenti cordonnier reçoit ordinairement, dès le début, un livret du patron; c'est de ce dernier qu'il oblient aussi son salaire; exception est faite pour ceux de Sottegem.

L'apprentie piqueuse de bottines ne reçoit pas de livret ; le produit de son travail ne lui est point remis. La maîtresse piqueuse de boltines se contente de lui octroyer une rétribution minime: 2 francs ou 2 fr. 50 par semaine, à Iseghem. Aussi ces jeunes filles n'ont-elles ordinairement rien de plus pressé que de s'établir pour leur compte. L'apprentissage sérieux du métier doit nécessairement souffrir de celle émancipation prématurée.

III. L'OUVRIER.

Pour éviter les redites inutiles, nous prions le lecteur de s'en rapporter au chapitre premier du présent titre, puis, au titre II, aux paragraphes qui concernent la condition morale et matérielle de l'ouvrier, les salaires et le chômage.

Ce qu'il importe de noter ici, c'est que les ouvriers cordonniers travaillant à domicile n'occupent pas eux-mêmes, en sous-ordre, d'ouvriers salariés. Il arrive exceptionnellement que les cordonniers se groupent pour travailler

ensemble au domicile de l'un d'eux, mais il n'existe entre eux aucun lien de subordination; ces ouvriers ont chacun leur employeur et souvent même travaillent pour le compte de patrons différents.

Nous avons vu (p. 38) que les apprentis sont sous la dépendance de l'entrepreneur commercial; le cordonnier à domicile qui apprend le métier à un apprenti n'est donc pas l'employeur de celui-ci; le contrat qui existe entre eux ne vise que l'apprentissage. Il en est autrement des piqueuses de bottines; dans plusieurs communes, elles se trouvent placées sous la dépendance directe de l'ouvrière qui leur enseigne le métier ; celle-ci est seule responsable de l'exécution du travail et c'est elle qui alloue à ces apprenties une rémunération, variable selon le degré d'avancement auquel elles sont par

venues.

CHAPITRE IV.

Crédit et capital.

Prise dans son ensemble, l'industrie cordonnière, telle qu'elle s'exerce en pays flamand par le plus grand nombre des entrepreneurs, se distingue de la grande industrie :

1o En ce qu'elle n'emploie point de machines actionnées par la vapeur ou l'électricité ;

2o En ce qu'elle n'a guère besoin, la plupart du temps, d'un capital fixe de très grande importance et que son capital circulant est fortement réduit, dans plusieurs communes, tant par les facilités de paiement que par les institutions de crédit;

3o En ce que cette industrie suspend rapidement, et sans grandes pertes, une bonne partie de ses opérations.

Cela était vrai surtout, il y a quinze ou vingt ans, alors que le nombre des patrons était plus élevé et que leurs entreprises étaient moins considérables. Malgré la tendance que nous constatons vers la monopolisation du travail entre les mains d'un petit nombre d'entrepreneurs puissants, nous pouvons dire que telle est encore la situation de nos jours; mais serat-elle aussi celle de demain? Il est permis d'en douter.

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On nous dira le type individuel demeure seul jusqu'ici; le métier de la cordonnerie à domicile n'a guère eu à enregistrer le type social: société anonyme ou commandite. C'est vrai,mais nous avons déjà des essais de coopératives ouvrières, et il est incontestable que le patron, bien qu'il se range encore parmi les chefs de la petite industrie, doit, pour ne point se voir supplanter par des rivaux, disposer de capitaux de plus en plus considérables. On se demande même si ces besoins d'argent, les risques de plus en plus grands qu'entraîne le

commerce entrepris sur une aussi large échelle, les difficultés rencontrées en cas de partage entre héritiers, ne finiront pas par nécessiter parfois l'adoption de la forme sociale. Pour notre part, nous regretterions la modification profonde qu'en ressentirait le métier; mais il est des situations où un remède radical s'impose. Il importerait alors de chercher un moyen de sauvegarder les bons rapports des ouvriers avec leur employeur, quel qu'il soit; on ne pourrait guère le trouver ailleurs, nous semble-t-il, que dans l'institution permanente de la conciliation et de l'arbitrage.

nous

Après avoir fait mention des capitaux de minime importance dont disposent encore aujourd'hui la plupart des patrons cordonniers capitaux fixes de cinq, dix, quinze, vingt mille francs et capitaux circulants quasi équivalents, croyons utile de donner une idée quelque peu exacte du coût des installations d'un patron cordonnier plus important. Nous avons choisi notre exemple à Iseghem, ville où la concentration s'accentue rapidement. Des types analogues se représentent, moins nombreux et quelque peu simplifiés, dans d'autres villes; nous reviendrons sur ce sujet.

L'immeuble d'un grand entrepreneur iseghemois comporte plusieurs étages, et chacun de ceux-ci contient de vastes salles; il peut être évalué à 23,000 francs. L'outillage comprend trois emporte-pièce payés, chacun, 600 francs à Paris. plus les petits emporte-pièce à la main, dont 64 pour souliers d'hommes, 28 pour chaussures de femmes, 34 pour chaussures de garçons et 54 pour bottines de fillettes, tous au prix moyen de 8 francs. Ajoutons-y, pour être complet, 35 emporte-pièce à talons, valant 6 francs chacun. Vient, alors, une machine à trépointes, valeur 250 francs; puis deux machines à cambrer, évaluées 500 francs chacune, et 12 machines à œillets valant 27 francs pièce.

La machine à trouer que l'on y emploie fut achetée 150 frs. ; il faut y ajouter 6 plaques revenant à 30 francs chacune; les 40 accessoires sont payés 50 centimes pièce.

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A ces dépenses considérables, il faut encore ajouter celles que nécessitent les nombreuses formes de bois sur lesquelles les cordonniers confectionnent les chaussures. Les modes nouvelles exigent leur renouvellement fréquent. Les frais peuvent être évalués annuellement à 1,000 francs de ce chef.

L'éclairage du même atelier coûte 10 francs par semaine, en moyenne, soit 500 francs; ajoutons-y le salaire d'un homme chargé de nettoyer les lampes à pétrole, ce qui fait au moins 600 francs. Le chauffage ne doit guère entrer en ligne de compte, on brûle les déchets de cuir.

Nous verrons done, par les chiffres qui précèdent, que les frais d'installation d'un pareil atelier peuvent être évalués à un minimum de 31,000 francs.

Que dire de l'importance du capital roulant si l'on considère, outre les réparations et les contributions, l'énorme somme de salaires destinés à payer les 15,000 paires de souliers que les travailleurs à domicile rapportent chaque semaine; soit une production annuelle d'environ 140,000 chaussures en tenant compte des jours de chômage.

Chez d'autres patrons les capitaux engagés dans cette industrie sont au moins aussi considérables.

A côté des installations de premier ordre que nous avons étudiées à Iseghem, nous avons encore à signaler celles des principaux employeurs de Thielt. Leur capital fixe peut atteindre parfois trente et trente-cinq mille francs. La variabilité du capital circulant rend son évaluation fort difficile; d'aucuns admettent pourtant le chiffres de 70,000 francs et au delà. Mais, comme nous l'avons déjà dit, à propos des patrons iseghemois, ces fortunes relativement considérables sont fort rares dans l'industrie qui nous occupe; comme à Iseghem, la grande majorité des patrons thieltois ne possède guère un capital fixe dépassant 10,000 francs. Leur capital circulant peut atteindre 20 à 25,000 francs; mais, bien

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