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Plusieurs patrons. et des plus importants, visitent euxmêmes leur clientèle ; ils s'en trouvent bien; nul d'ailleurs ne fait mieux valoir sa marchandise que le principal intéressé. Le plus souvent les offres de services se font auprès des commerçants, parfois cependant les fabricants visitent de simples particuliers; c'est ainsi que les fabricants lierrois de chaussures fines visitent périodiquement, à domicile, leurs clients de Bruxelles, de Malines, d'Anvers, etc.

Le mode de vente est variable; parfois le producteur s'adresse aux magasins les mieux achalandés de nos grandes cités; c'est le cas, tout particulièrement, pour les fabricants de chaussures de luxe. spécialité d'Iseghem et de Thielt. Mais le plus souvent les fabricants ont recours à l'organisation de comptoirs établis en ville, ou de dépôts effectués dans les villages voisins, spécialement le long des frontières. Enfin la vente des chaussures à bon marché est encore active dans les échoppes dressées sur les places publiques lors des foires périodiques.

Les fabricants de chaussures d'Iseghem écoulent surtout leurs marchandises à Bruxelles, Mons, Charleroi, Liége, Namur, Gand, Anvers, Mouscron, dans un grand nombre de localités de la frontière française et dans tout le Borinage et le Tournaisis.

Avant l'établissement des droits d'entrée, nous aurions pu citer, parmi les débouchés à l'étranger, certaines villes allemandes et un bon nombre de localités du nord de la France telles que Lille, Roubaix, Tourcoing. A l'heure actuelle ce commerce d'exportation a beaucoup perdu. Pourtant nous connaissons une maison iseghemoise qui livre régulièrement des chaussures de luxe aux grands magasins du Louvre, à Paris, et une autre qui, par l'intermédiaire d'un entrepreneur bruxellois, fournit en grandes quantités à l'État Indépendant du Congo.

Thielt n'écoule guère ses produits qu'à l'intérieur du pays

dans les villes importantes telles que: Gand, Courtrai, Bruges, Bruxelles, Ostende, etc., et dans les villages environ

nants.

Primitivement les souliers de Thourout se vendaient presque uniquement dans les villes et les communes rurales du nord de la Flandre Occidentale, entre-autres: Bruges, Ostende, Nieuport, Dixmude, Cortemarck. Depuis quelques années, plusieurs fabricants expédient leurs produits vers le sud de la province, notamment à Herseaux, à Mouscron, à Menin et même jusque dans certaines villes du nord de la France telles que Lille, Roubaix et Tourcoing. Les cordonniers thouroutois ne possèdent, à l'étranger, ni dépôts ni comptoirs.

A Poperinghe, le producteur suit assidùment tous les marchés des villes environnantes, spécialement ceux d'Ypres, de Furnes et de Dixmude. Jadis il avait des comptoirs dans un grand nombre de localités du nord de la France; actuellement les droits d'entrée et la concurrence que lui font beaucoup d'ouvriers cordonniers belges établis en France, sont cause de la ruine de bon nombre de ces succursales. Les souliers confectionnés à Poperinghe se vendent pourtant encore à Bergues-Saint-Winnoc, à Dunkerque, à Hazebrouck.

Les magasins établis sur les frontières n'échappent pas non plus aux causes de décadence énumérées ci-dessus. Notons cependant, que bon nombre d'ouvriers français ont coutume de visiter Poperinghe les dimanches et les jours chômés pour échanger leurs vieilles chaussures contre des souliers neufs; ils bénéficient ainsi de la différence des prix due au protectionnisme français.

Sottegem n'exporte pas en France; toute l'activité est dirigée vers Bruxelles, Gand, Liége et Mons. Les magasins établis dans la demeure du patron répandent une grande quantité de marchandises dans le public, spécialement le mardi, jour du marché, et le dimanche, jour fréquemment consacré par les campagnards à leurs emplettes.

Nous l'avons vu, la ville de Lierre fournit spécialement des chaussures fines aux particuliers de Bruxelles, Anvers, Turnhout, Malines, Bouchout, Vieux-Dieu, etc. Les souliers « à bon marché » (5 à 8 francs) trouvent des amateurs dans les mêmes localités; mais on les exporte aussi en Angleterre, en Hollande et en Amérique. Souvent les produits passent alors par un intermédiaire d'Anvers ou de Bruxelles.

III. LA CONCURRENCE.

Les entrepreneurs qui font travailler à domicile, ont une double lutte à soutenir. En premier lieu, ils ont à soutenir la concurrence de la machine: des fabriques de souliers sont érigées un peu partout; presque toutes nos grandes villes en sont pourvues. On en voit même surgir dans nos campagnes flamandes, notamment à Puers et à Hérenthals.

Nous ne parlerons pas de celles du pays wallon.

La fabrication à bon marché souffre particulièrement de la concurrence de ces entreprises rivales. Celle que, par opposition, l'on pourrait décorer du nom de cordonnerie artistique se sent plus à l'aise; elle bénéficie généralement de la supériorité de ses produits sur ceux de la machine; mais en sera-t-il toujours ainsi?

On reprochait aux premières machines de gâcher énormément de matières premières, mais déjà elles se sont perfectionnées. On est d'avis que leur travail est moins solide; on dit encore qu'il est moins bien achevé. Souvent, en effet, il en est ainsi; mais ce qui semble vrai aujourd'hui ne sera peut-être plus aussi exact demain. Pour quelles raisons est-il donc permis d'espérer encore un avenir favorable pour la fabrication à la main?

La réponse la voici :

Il semble que les caprices, si variables, de la mode jouent

dans la confection des chaussures de luxe le même rôle que dans la préparation des vêtements les plus élégants. Jamais on ne tolèrera longtemps les mêmes formes, l'emploi des mêmes cuirs et des mêmes ornements; or ces changements sont plus onéreux pour la mécanique que pour le travail manuel.

Il est encore un fait qui doit rassurer nos employeurs: c'est qu'il demeurera toujours un bon nombre de clients pour chaussures sur mesure, l'habitude a une grande part d'influence en cette matière, et puis tous les pieds ne s'accommodent pas facilement des souliers faits à la douzaine.

Les ouvriers cordonniers ont aussi à soutenir. mais dans de plus faibles proportions, la concurrence proprement dite, sous ses diverses formes.

Nous aurons premièrement à signaler la compensation que certains patrons, heureusement peu nombreux, trouvent dans les bénéfices considérables que leur procure la vente directe ou indirecte de denrées destinées à leur personnel ouvrier. Viennent ensuite les procédés indélicats par lesquels certains employeurs s'emparent de la clientèle de tel ou tel de leurs émules.

Les cordonniers flamands établis dans le nord de la France font également une concurrence sérieuse aux produits que nous expédions sur les marchés français. Ils bénéficient du droit de douane. Quant à la concurrence de place à place, que l'on pourrait constater à l'intérieur du pays, elle n'est guère sensible dans la région flamande. Chacune de ces contrées conserve généralement ses débouchés. Les producteurs wallons se plaignent peut-être un peu de l'envahissement des chaussures d'Iseghem dans le Tournaisis et le Borinage.

IV. LES CRISES.

I. Crises des prix.

Nous distinguerons entre les perturbations qu'amène le renchérissement des matières premières et celles que cause la surproduction.

La hausse des cuirs, constatée à partir de 1895 et qui menace de se reproduire une seconde fois de nos jours, compte pour une des plus importantes. On lui donne pour cause primordiale le monopole acquis par certains spéculateurs américains qui retenaient ces marchandises afin d'en faire augmenter le prix.

Les guerres sino-japonaise, gréco-turque et américo-espagnole, l'augmentation du prix des cuirs en poils du pays et la production défectueuse des peaux américaines peuvent avoir eu également leur influence; mais il importe de noter aussi que la baisse des prix amenée depuis un certain nombre d'années par la concurrence effrénée entre tanneurs, devait tôt ou tard amener une réaction.

A Iseghem et à Thielt, dès 1895, le coût des peaux était accru de 10 p. c. ; celui des cuirs à semelles de 20 à 30 p. c. Le prix de vente des souliers n'augmenta pas dans les mêmes proportions; il ne fut d'ailleurs élevé que pour certains articles. Les maisons de commerce firent, immédiatement, des commandes fort importantes à la condition d'être servies aux anciens prix (1). La compensation s'établit done; les patrons se dédommagèrent de leurs pertes par les bénéfices prélevés sur une production plus considérable. Les salaires demeurèrent au même taux ; malgré des craintes, qui n'étaient

(1) Elles firent de même envers les employeurs d'Iseghem en novembre et décembre 1899.

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