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GALLO-ROMAINES

DÉCOUVERTES A AUTUN

SUIVIES

DES INSCRIPTIONS SUR VERRE, BRONZE, PLOMB ET SCHISTE

DE LA MÊME ÉPOQUE

TROUVÉES AU MÊME LIEU.

A une époque où la céramique gallo-romaine n'avait encore attiré l'attention que d'un très petit nombre d'archéologues, en 1844, la Société Éduenne publiait une liste de près de cent inscriptions, estampilles et graffiti provenant des fragments de poterie exhumés des ruines de l'Autun romain.

Si cette liste offrait quelques inexactitudes, bien excusables du reste, vu le défaut presque complet alors d'ouvrages spéciaux et de points de comparaison, elle attestait du moins le soin scrupuleux que notre Société naissante mettait à recueillir et à conserver jusqu'aux moindres débris de nos antiquités locales. Depuis lors, ces monuments, longtemps dédaignés, ont trouvé accès dans les collections publiques et privées; l'on a reconnu en eux une mine abondante et presque intacte de renseignements précieux et variés, et leur étude est devenue. l'objet de nombreux et intéressants travaux.

Le noyau primitif de la collection céramique gallo-romaine du musée d'Autun resta vingt ans sans s'accroître notablement. Ce fut seulement à partir de 1864 que celle-ci prit une véritable extension par suite des dons de MM. le baron d'Espiard et B. Jovet, des travaux exécutés en 1866 et 1867 pour l'établissement du chemin de fer, et des fouilles pratiquées en 1874

et 1872 dans divers quartiers jusqu'alors inexplorés de l'Autun antique. 1

A côté de la collection du musée, d'autres se sont formées à Autun, parmi lesquelles nous citerons principalement celle de M. Bulliot, laquelle est de beaucoup la plus riche 2. C'est dans ces différents cabinets qu'il nous a été permis de recueillir les matériaux nécessaires à cette étude, et ce sont ces inscriptions de natures et de significations diverses que nous avons entrepris de publier, non qu'elles soient toutes inédites, mais parce que les exemplaires que nous en possédons peuvent donner lieu à des comparaisons, à des rectifications, à des constatations utiles.

Nous ferons précéder cette nomenclature de quelques notions indispensables à son intelligence, sans prétendre toutefois embrasser l'histoire détaillée de la céramique gallo-romaine. Nous bornant aux observations que pourra nous suggérer l'examen des inscriptions que nous avons recueillies, nous laisserons à d'autres plus habiles que nous le soin de traiter les questions de fabrication, de décor, de provenance et de commerce, abordées, il est vrai, par maints auteurs, mais loin cependant d'être épuisées.

Les inscriptions qui se rencontrent le plus ordinairement sur les produits céramiques gallo-romains sont celles qui s'imprimaient sur l'argile encore molle, à l'aide d'un poinçon gravé en creux et que l'on nomme communément estampilles.

L'estampille n'est autre chose que le nom ou les noms du potier qui a fabriqué le vase, diversement orthographiés, abrégés, déguisés. « Certains archéologues cependant, dit

1. Le nombre des fragments estampillés, entre autres, qui, il y a dix ans, ne dépassait pas 125, s'est élevé depuis à près de 300.

2. Nous sommes heureux de pouvoir remercier ici MM. Bulliot, de Charmasse, vice président de la Société Éduenne, Roidot, l'abbé Lacreuze, et Anatole de Charmasse, nos collègues, de l'empressement qu'ils ont mis à nous faire part de leurs découvertes et de leurs observations.

M. B. Fillon, ont cru reconnaître des noms de lieux dans quelques-uns de ceux inscrits sur les poteries romano-gauloises. » On a cité à l'appui de cette opinion les marques MAGETOB, CABILLO, MANDURA, CALETI. M et CALETINI, VAPVSO, LVGVDV, AMBATVS, ARVENI, AMBIANI, qu'on a traduites par Amagetobrie, Cavailhon, Mandeure, Caux, Lyon, Ems, etc... On aurait pu, et je ne sais pourquoi on l'a négligé, y ajouter les suivantes : CVRMILLI M et ANATILLI F, facilement assimilables à Cormeilles (Oise) et à cette ville d'Anatilia dont parle Pline 2; mais on ne s'est pas arrêté là on a voulu (et les savants qui ont soutenu cette thèse ne sont pas de ceux dont on puisse passer les travaux sous silence), on a voulu, dis-je, en rapprochant le nom empreint sur ces poteries du lieu de leur découverte, y trouver un indice de la situation encore indéterminée de localités antiques.

Ainsi, M. Castan 3 a publié la marque d'un fragment de poterie rougeâtre trouvé, en 1858, dans un des tumulus de Sur-Scey, proche le village d'Alaise, où il lit distinctement le mot ALESI. Nous nous garderons bien de discuter cette lecture, n'ayant pas vu l'original et n'osant pas nous prononcer d'après le dessin très confus gravé dans le Dictionnaire archéologique de la Gaule (Époque celtique) 4; nous ne ferons même aucune difficulté de l'admettre; mais quant à y reconnaître une indication géographique, et, plus encore, un argument en faveur de l'identité de l'Alesia des Commentaires et de l'Alaise franccomtoise, nous avouons ne pouvoir nous y résoudre. S'il en était ainsi, si l'on voyait dans ALESI non pas un nom d'homme, mais un nom de lieu, les conséquences à tirer de ce principe seraient vraiment étranges. L'estampille CABILLO citée par

1. L'Art de Terre chez les Poitevins.

2. III, IV, 5.

3. Aug. Castan, Les Tombelles celtiques et romaines. (Extrait des Mémoires de la Société d'Émulation du Doubs, séance du 16 décembre 1858.) Besançon, Dodivers, 1859, in-8°, p. 25 et 26.

4. Publication de la Commission de Topographie des Gaules; Paris, 1867, 'n-fo, t. I, p. 26.

Grivaud de la Vincelle comme trouvée à Lyon, serait un indice de la position de Chalon au confluent de la Saône et du Rhône; mieux que cela, Augustodunum aurait été à la fois Bourges et Rhodez, puisque nous avons trouvé à Autun les marques BITVRIX et RVTAEN. Nous n'insisterons pas sur ce point; d'ailleurs voici un argument péremptoire Birch, Froehner, Schuermans, ont cité les estampilles BITVRIX F, AMBATVS F, CALETI M, et, comme l'on n'a aucun doute aujourd'hui sur la signification des sigles F et M, il n'est pas possible de prendre un nom d'homme pour le Pirée; ALESI, CABILLO, BITVRIX, AMBATVS, CALETVS, RVTAENVS, etc., ne sont autre chose que des noms de potiers. Du reste, n'avons-nous pas encore aujourd'hui une foule de gens qui tirent leur nom patronymique du lieu d'où leur famille est originaire, comme M. Chalon, M. Bourges, M. Rhodez, etc. A Moulins même, ce centre du pays le plus riche peut-être de France en produits céramiques gallo-romains, le nom de Bitourit est encore aujourd'hui porté, non par un potier, cela du reste ne fait rien à l'affaire, mais par un boucher. Si nous parlons de cette transmission de noms antiques dans la même province, c'est qu'il en a été donné de très curieux exemples. Ainsi, M. B. Fillon 2 a cité un Urvoed dont le nom était encore porté dans la contrée au onzième siècle par un seigneur de Commequiers, Urvoïdus.

APOLINI 0,- AEPONA O 3, — DAMONVS F, cités par M. Fillon 4 et dont on rencontre un peu partout des exemplaires, sont encore des noms de potiers, et il ne viendrait à l'idée de personne d'y chercher une consécration quelconque ou l'expression d'un vou.

Les estampilles seront donc pour nous des noms de potiers

1. Antiquités gauloises et romaines recueillies dans les jardins du Sénat, p. 144, note 1.

2. Ouv. cité, p. 37.

3. Orelli cite p. 81 : .....EPONA trouvé à Lunneren.

4. P. 28.

et rien autre chose. Cependant, si quelques exceptions devaient être admises, nous nous hasarderions à penser que la marque SALVE TV trouvée à Oberculm, à Friedberg, à Poitiers, à Périgueux, à Bourbon-Lancy, à Tongres, aux Tranchées, dans le département de l'Allier, et dont nous publions deux nouveaux exemplaires découverts à Autun, pourrait bien n'être pas un nom de potier, mais un de ces souhaits comme on avait coutume d'en formuler 1 sur les vases à boire dans l'antiquité, et comme on en voit encore sur quelques vases de porcelaine, de faïence, de verre ou de cristal 2. Nous rangerions dans la même catégorie les estampilles SALVE, trouvée à Montans, à Périgueux et dans le département de l'Allier; AVE, à Périgueux, et AVE-VALE, à Poitiers. 3

Les noms de potiers sont rarement marqués sur la vaisselle commune, du moins sur les vases de petite dimension. On les rencontre sur ceux à couverte noire, à large orifice, sur les lampes, les jattes, les amphores, les tuiles, les antéfixes et les figurines en argile blanche.

Les vases communément dits samiens 4, à couverte rouge lustrée, fournissent incontestablement le plus grand nombre d'estampilles. En règle générale, celles-ci occupent le centre du fond intérieur du vase. On peut cependant noter quelques exceptions. L'estampille GEMINIANI (n° 181) est disposée en diagonale sur le haut du rebord extérieur d'un vase sans ornements, mais c'est là, du reste, une anomalie facile à expliquer. En effet, ce tesson appartenait, j'en suis certain, à l'un de

1. V. plus bas la liste des inscriptions sur des vases à boire du musée d'Autun et les observations qui s'y rattachent.

2. Si la forme Salve tu devait paraître insolite à quelques-uns, nous citerions ce passage des Menechmes (act. V, scène Ix) où Plaute fait dire à l'un de ses personnages « Salveto tu, tu vale. »

3. Bonsergent, ouv. cité, p. 346.

4. Nous n'ignorons pas que cette appellation a été critiquée comme comprenant un très grand nombre de poteries non fabriquées à Samos. A cela M. Schuermans a justement opposé « le nom, général aujourd'hui, de faïences, appliqué à des vases qui sont loin de provenir tous de la ville de Faenza. »

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