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DOCUMENTS HISTORIQUES ET ARCHÉOLOGIQUES.

XIX.

Mort du roy Louis XIV.

(Communication de M. Cottard, recteur honoraire d'académie, maire de la Ciotat 1.)

Paris, ce 28 aoust 1715.

Je suis arrivé icy, mon très cher père, dans une déplorable conjoncture. Le Roy, qui depuis quelques mois s'affoiblissoit considérablement, est tombé depuis quinze jours dans une maigreursi excessive, qu'il n'est pas reconnoissable. Son mal, traité de resipelle sur une jambe, a esté reconnu depuis deux jours une véritable cangraine qui estoit montée hier, quand je sortis de Versailles, au plus des deux tiers de la cuisse, et si Sa Majesté respire encore, ce ne peut estre que pour quelques momens. Rien n'est plus héroïque et plus chrestien en mesme temps, que la fermeté avec laquelle il voit venir ce dernier instant. Je vay vous en faire le détail. Averti par ses médecins du danger sans ressource où il se trouve, il passa la nuit du 25 au 26, jour de sa feste Saint-Louis, avec son confesseur, et, sur le matin, S. M. s'assoupit pendant quelques heures. Il entendit la messe dans sa chambre et voulu (sic) dîner en public, disant à ceux qui lui représentoient son état : J'ay vêcu parmis (sic) les gens de ma cour, je veux mourir parmis eux; ils ont suivi tous le cours de ma vie, il est juste qu'ils me voyent finir. Il parut en robe de chambre, sa jambe sur des car

1 Voir ci-dessus, page 13. «Il est plus que probable que l'annonce de la dernière inaladie de Louis XIV avait grandement ému les Provençaux, et que ceuxci s'arrachaient toutes les nouvelles venant de la capitale touchant le grand roi. La moindre lettre devait être copiée et colportée en façon de journal à la main. C'est une feuille de ce journal que je prends la liberté de transmettre. J'ai cru y reconnaître l'écriture de l'époque; mais je n'ai pu, malgré mes recherches, découvrir le nom du signataire de l'original. » (Extrait de la lettre de M. Cottard.) Bulletin. IV.

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reaux, mangea d'une panade et d'un potage et parla à son ordinaire. Ensuite il fit retirer la table de devant luy et causa un quart d'heure avec tout le monde, après quoy il dit : « Messieurs, il ne seroit pas juste que le plaisir que j'ay de prolonger les derniers momens que je passeray avec vous, vous empesche de dîner; je vous dis à Dieu et vous prie d'aller manger. Nous sortismes tous avec la dernière douleur, fondant en larmes. Sur les sept heures du soir, S. M. ayant eu une foiblesse, on luy donna l'extresme onction qu'il reçut avec beaucoup de présence d'esprit, ouvrant luy mesme son estomach et répondant à tout. Ensuite il reçut le viatique, et toute cette cérémonie estant finie, il fit apeller M. ie chancellier, écrivit en sa présence trois pages de sa main, luy en dicta une quattrième et quelques lignes, envoya montrer le tout à M. le duc d'Orléans, qui estoit dans le cabinet prez de la chambre, avec tous les princes et princesses. Ils rentrèrent ensemble, et ce papier fut cacheté. On prétend que c'est un codicile. Le reste de la nuit se passa assez tranquillement. Le lendemain, au matin, le Roy, après avoir parlé à M. le duc d'Orléans pendant fort longtemps et à chacun des princes et princesses en particulier, il les fit venir tous ensemble, leur représenta paternellement l'union qu'ils devoient conserver entre eux, et après les avoir embrassés les uns après les autres, il reprit son ton de Majesté. Il dit à M. le duc d'Orléans: Mon neveu, je vous fais régent du royaume. Vous allez voir un Roy dans le tombeau et un autre dans le berceau, souvenez-vous toujours de la mémoire de l'un et des intérests de l'autre. » Il a déclaré que le nouveau Roy seroit conduit à Vincennes dez qu'il seroit mort, et a commandé luy mesme, nom par nom, la garde qui doit l'escorter et les personnes qui le conduiront, voulant que les chevaux soient harnachés et les gens d'armes, mousquetaires, chevaux légers et gardes du corps bottés. M. le duc du Maine sera gardien du nouveau roy et M. le mareschal de Villeroy, son gouverneur; Mme la princesse de Conty et Mme la duchesse de Vantadour, auront soin de son éducation jusques à sept ans. Le Roy le fit venir dans sa chambre sur le midy et dit à tous les princes et princesses présens que ces'toit là leur maître et leur Roy; qu'ils ne manquassent jamais au respect qu'ils luy devoient; qu'ils se souvinsent que ceux qui avoient pris un party opposé à ses intérests s'en étoient repentis toute leur vie, et que luy mesme, comme Roy, n'avoit jamais pu satisfaire l'inclina

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tion qu'il avoit eu de leur faire plaisir. Ensuitte, il donna sa bénédiction au jeune prince et le baigna de ses larmes, lequel en s'en retournant fit des cris et des pleurs dont tout le monde fut tesmoin; le Roy renvoya Mme de Maintenon sur les deux heures luy disant Madame, il faut nous séparer. Je vous dis à Dieu, peut estre vous renvoyeroy-je chercher; mais, si je ne le fais pas, ne croyés pas que ce soit manque d'amitié. » Il la renvoya chercher quelques heures après et la pria de raporter une cassette qu'il luy avoit donné à garder depuis quinze ans. Les papiers qu'elle renfermoit furent bruslés en présence de M. d'Orléans ou à luy remis. Depuis ce temps, il s'est fait aporter toutes ses cassettes. Il a bruslé ou remis à qui il convenoit tous ses papiers tenus dans un ordre merveilleux et dont tous les étiquets sont présens à sa mémoire. Il voit croistre sans effroy un mal qui doit luy causer la mort. Il demande quelquefois combien d'heures il peut encore respirer. Les médecins luy répondirent le lundy qu'il estoit bien difficile qu'il vist lever le soleil le lendemain. Ils se sont heureusement trompés, car il est certain qu'à neuf beures du soir d'hier 27 il a pris encore un bouillon 1. Il est à présent quattre heures du matin du 28 et, comme cette lettre ne doit partir qu'à midy, je ne la fermeray qu'en ce temps pour vous mander ce qu'il y aura de nouveau. Dieu veuille que je n'y ajoute rien, ce sera une preuve que S. M. est encore vivante, et plust au ciel de nous accorder le miracle dont on auroit besoin pour le tirer de l'estat désespéré où il est. Un médecin d'Amiens, possesseur d'un remède immanquable pour la cangraine, est arrivé hier 27, à deux heures après midy, et a mis de son eau que l'on assure avoir empesché la cangraine de monter plus haut qu'elle n'estoit. Si elle estoit arrivée à S. M. par quelque accident, on pourroit espérer; mais par malheur elle est dans son sang, et son corps est si décharné que les remèdes extérieurs ne peuvent plus agir.

Voilà vous dire, mon très cher père, tout ce que j'ay veu ou entendu dire à des personnes qui, par le privilége de leurs entrées en ont estés les témoins. J'ay cru que ce détail douloureux qui vous aura attendris pouvoit, dans une autre face, vous donner de la consolation en réfléchissant que ces dernières prévoyances de

1 Louis XIV ne mourut que le dimancbe" septembre, à huit heures du matin.

S. M. pourront estre utiles à l'Estat et qu'enfin, puisqu'il n'estoit pas immortel, il est beau de le voir finir avec toutes les vertus d'un chrestien et la grandeur d'âme d'un héroz.

J'ai l'honneur, etc.

XX.

Notice sur un verre à boire antique trouvé dans la Vendée.

(Communication de M. de la Villegille, secrétaire du comité1.)

Dans une Notice sur la paroisse de Chavagnes-en-Paillers2, nous avons mentionné différents objets d'origine romaine, tels que fragments de tuiles, poteries de toute nature, médailles, etc.3 qui avaient été rencontrés près d'un village appelé le Cormier, et qui faisaient présumer qu'une villa avait existé autrefois dans cet endroit. Depuis lors, dans le courant de l'année 1848, l'exploitation d'un filon de cailloux a fait faire, au même lieu, une découverte beaucoup plus importante par ses résultats. Malheureusement, selon la déplorable coutume des paysans, qui, lorsqu'ils font quelque trouvaille, se figurent toujours être sur la trace d'un trésor, les terrassiers ne parlèrent d'abord à personne de leur découverte. Plusieurs mois s'étaient écoulés lorsque celle-ci vint à la connaissance de M. Gourraud, ancien notaire, habitant de Chavagnes, et qui recherche avec soin ce qui se rapporte à l'archéologie de cette partie de la Vendée. M. Gourraud interrogea les ouvriers, qui lui racontèrent qu'en pratiquant une fouille dans une terre noirâtre, d'où s'exbalait une mauvaise odeur, ils avaient trouvé des assiettes, des tasses et d'autres objets. Ils citèrent en particulier deux petits lions en terre, une belle soupière en verre et des espèces de petits bâtons ou baguettes en verre de diverses couleurs, entrelacés ensemble. « C'était très-beau, au dire de ces hommes, et ce qui les avait le plus frappés. Mais tout cela avait été perdu ou brisé par eux, à l'exception de trois objets en verre,

1 Bulletin du comité, t. III, p. 277 et 290.

2 Bulletin de la société des Antiquaires de l'Ouest, années 1841-1843, p. 281. 3 Ibid. p. 294 et 295.

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