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DE LA RÉVISION.

CE que pratiquent tous les jours dans les ventes publiques les fripiers, les chaudronniers, les revendeuses de vieux linges, et quelques marchands de livres que l'on ne peut décemment appeler libraires, c'est ce que l'on nomme révision, et voici en quoi elle consiste.

Les marchands qui assistent habituellement aux ventes d'effets mobiliers, se connaissent tous entr'eux comme faisant le même genre de commerce; ils s'entendent ensemble, et n'enchérissent point les uns sur les autres, afin d'obtenir les articles de la vente au-dessous de leur valeur; ils les laissent adjuger, sans mot dire, à l'un d'eux, qui soutient les enchères contre les particuliers, n'ayant pas à les soutenir contre ses silencieux confrères. Presque toujours les trois quarts des articles sont adjugés à ces marchands, qui n'ont pas toujours à lutter contre les héritiers de la succession ou les particuliers, et alors ils les obtiennent à peu près aux prix qu'ils en ont offerts.

Il arrive quelquefois, mais rarement, que des particuliers contre lesquels le marchand enchérit, abandonnent les articles que celui-ci voulait leur faire payer très-cher alors ces articles présentent de la perte; mais au moyen des compensations que nous allons indiquer, tout s'arrange, la perte est nulle.

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La vente terminée, les reviseurs, chargés de marchandises, se rendent au cabaret le plus voisin; c'est là qu'après avoir préalablement vidé quelques flacons de vin mixtionné, les articles vendus pabliquement et à vil prix aux affidés, subissent de nouvelles enchères, qui les portent à leur véritable

valeur; et la différence qui existe entre cette seconde vente et la première, offre toujours pour résultat un bénéfice qui se partage également entre tous les assistans, acquéreurs ou non; il suffit, pour y participer, d'être reconnu pour membre de l'association.

Si, par hasard, des particuliers, comme nous l'avons dit plus haut, ont abandonné des articles au marchand qui les a poussés au-dessus de leur valeur, pour dégoûter le public de mettre des enchères, ces mêmes articles, à la seconde vente, étant adjugés à leur valeur réelle, présentent aux reviseurs une perte que l'on défalque des bénéfices à partager.

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On procède ainsi à cette seconde vente un des membres de cette honorable assemblée fait l'office d'huissier priseur, d'écrivain, et de marchand tout ensemble. Les associés apportent successivement devant cet estimable président, les articles qu'ils ont acquis, et déclarent à quel prix ils leur ont été adjugés. Chaque article présenté au prix de l'adjudication, est poussé plus ou moins haut par les assisdont quelques-uns mettent des enchères, non dans l'intention d'acheter, mais pour grossir la masse du dividende, qui se partage après que tous les articles ont subi la même opération, et que tous les comptes ont été réglés. On s'ajourne au lendemain pour recommencer sur nouveaux frais aux dépens de qui il appartiendra; mais l'on ne se sépare pas sans avoir fait encore quelques rondes de bouteilles, et la taverne enfouit souvent la majeure partie de ces bénéfices illégitimes. Quelques-uns de ceux qui assistent à ces révisions, sont d'anciens marchands ruinés par des malheurs ou par inconduite, et auxquels il ne reste que ce moyen d'existence; mais il en est aussi, et c'est le plus grand nombre, qui sont au dessus du besoin, et qui ne rougissent pas de coopérer à ce trafic honteux.

On conçoit que parmi les membres de cette société, il y en a beaucoup qui, par ignorance ou par l'effet d'une longue habitude, et pour l'avoir vu pratiquer par leurs pères, sont innocemment complices d'un pareil brigandage; ceux-là, on les plaint, et l'on est sûr que quelques sages réflexions les ramèneront aux principes d'honneur et de justice dont ils ne se seraient jamais écarté, si dès leur entrée dans le commerce, ils eussent été sagement conseillés.

Combien d'autres n'ont pas les mêmes raisons à alléguer? L'éducation qu'ils ont reçue; les sociétés qu'ils fréquentent; la considération de quartier qui les environne, sont autant de témoins qui déposent -contre l'irréflexion dont ils voudraient couvrir l'infamie de leur procédé, la spoliation journalière de la veuve et de l'orphelin.

Souvent le mobilier constitue la meilleur partie, pour ne pas dire la totalité de la succession d'un homme de lettres, d'un militaire pensionné par l'Etat, ou d'un employé dans une administration, etc. Par la revision, leurs veuves, leurs enfans ou leurs héritiers sont dépouillés de la faible ressource qui leur restait pour s'avancer dans l'avenir; après avoir consommé ce que la rapacité n'a pu leur enlever; l'implacable misère les enveloppe de toutes parts, et les détourne souvent de la carrière honorable étaient destinés à parcourir.

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Cette réflexion bien simple n'a pas pu échaper aux hommes que nous venons de signaler; ils ont une consience que les remords doivent agiter d'autant plus violemment, qu'ils sentent l'impossibilité de réparer les torts multipliés dont ils se sont rendus coupables.

De quelles expressions pourra-t-on se servir pour peindre ces hommes vils, ces ames de boue, qui, chargés de la confiance d'une malheureuse et respectable famille, pour tirer le parti le plus avantageux

de sa bibliothèque, ne craignent pas de se coaliser avec les reviseurs, et de partager les dépouilles de ceux qu'ils devaient protéger contr'eux. Ici l'indignation soulève..... et l'expression manque !

Qu'ils rentrent en eux-mêmes, ceux dont nous venons d'esquisser les portraits, et qu'ils expient les torts impardonnables qu'ils ont à se reprocher, par une conduite désormais honorable, par des avis salutaires à ceux qui commettraient un semblable scandale; mais s'ils étaient parvenus à s'étourdir au point de ne pouvoir plus écouter les conseils de la raison et de leurs devoirs, qu'ils sachent que le gouverne→ ment, une fois éclairé sur leurs ténébreuses manœuvres, ne les laissera pas impunies; et qu'une fois atteints, on imprimera sur leurs fronts coupables le sceau de l'ignominie.

le

Terminons ici par vœu que nous avons si souvent émis, pour obtenir dans le plus court délai possible un réglement de librairie, dont toutes les parties soient tellement coordonnées, que chacun des membres qui la composent, et dans quelque classe que ce puisse être, y trouve la règle de ses devoirs irrévocablement tracée, et les peines portées contre ceux qui oseraient s'en écarter.

POUR LA LIBRAIRIE

ET

IMPRIMERIE DE PARIS,

Arrêté au Conseil d'Etat du Roi, Sa Majesté y étant, le 28 fevrier 1723.

ARTICLE PREMIER.

Les libraires et les imprimeurs seront censés et réputés du corps et des suppôts de l'Université de Paris, distingués et séparés des arts mécaniques; maintenus, gardés et confirmés en la jouissance de tous les droits, franchises, immunités, prérogatives et priviléges attribués à ladite Université et auxdits libraires et imprimeurs; et en cette qualité sera et demeurera la communauté des imprimeurs et libraires, franche, quitte ét exempte de toutes contributious, prêts, taxes, levées, subsides et impositions mises et à mettre, imposées et à imposer sur les arts et métiers, desquels Sa Majesté l'a entièrement exceptée, distinguée et séparée, même sous prétexte de confirmation desdits droits, priviléges, prérogatives, dont Sa Majesté veut qu'elle jouisse franchement, paisiblement et sans aucun trouble.

ART. II. Les livres tant manuscrits, qu'imprimés

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