PERSONNAGES. TITUS, empereur de Rome. Suite de Titus. La scène se passe à Rome, dans un cabinet qui est entre l'appartement de Titus et celui de Bérénice. BÉRÉNICE. ACTE PREMIER '. SCÈNE I. ANTIOCHUS, ARSACE. ANTIOCHUS. Arrêtons un moment : la pompe de ces lieux, ARSACE. Vous, seigneur, importun? vous, cet ami fidèle, Vous, que l'Orient compte entre ses plus grands rois? 1 Le commentaire de cette pièce est extrait presque entièrement des notes que Voltaire a composées pour son édition de Corneille, où il a fait entrer la tragédie de Racine. Nous marquerons ces notes par un V. 2 « Ce détail n'est pas inutile; il fait voir clairement combien l'unité de lieu est observée : il met le spectateur au fait tout d'un coup. On pourrait dire que la pompe de ces lieux et ce cabinet superbe paraissent des expressions peu convenables à un prince que cette pompe ne doit point du tout éblouir. » (V.) Aussi ne l'éblouit-elle point, mais elle étonne Arsace pour qui elle est nouvelle. 3 Epouse en espérance, expression heureuse et neuve dont Racine enrichit la langue et que, par conséquent, on critiqua d'abord. Remarquez encore qu'épouse suppose étant épouse. C'est une ellipse heureuse en poésie. Ces finesses font le charme de la diction. » (V.) Ce rang entre elle et vous met-il tant de distance? ANTIOCHUS. Va, dis-je ; et, sans vouloir te charger d'autres soins ', SCÈNE II. ANTIOCHUS 2. Hé bien! Antiochus, es-tu toujours le même ? Hé quoi! souffrir toujours un tourment qu'elle ignore! 1 << Ce vers sans vouloir te, etc., qui ne semble fait que pour ia rime, annonce avec art qu'Antiochus aime Bérénice. » (V.) 2 « Beaucoup de lecteurs réprouvent ce long monologue; il n'est pas naturel qu'on fasse ainsi tout seul l'histoire de ses amours; qu'on dise: Je me suis tu cinq ans; on m'a imposé silence; j'ai couvert mon amour d'un voilé d'amitié. On pardonne un monologue qui est un combat du cœur, mais non une récapitulation historique.» (V.) 3« Belle reine a passé pour une expression fade. » (V.) 4« Les amants fidèles, sans succès et sans espoir, n'intéressent jamais. Cependant la douce harmonie de ces vers naturels fait supporter Antiochus; c'est surtout dans les faibles rôles que la belle versification est nécessaire. » ( V.) Au lieu de s'offenser, elle pourra me plaindre. Quoi qu'il en soit, parlons; c'est assez nous contraindre. Et que peut craindre, hélas! un amant sans espoir Qui peut bien se résoudre à ne la jamais voir ? SCÈNE III. ANTIOCHUS, ARSACE. Arsace, entrerons-nous ? ANTIOCHUS. ARSACE. Seigneur, j'ai vu la reine; Mais pour me faire voir je n'ai percé qu'à peine ANTIOCHUS. Hélas! ARSACE. Quoi! ce discours pourrait-il vous troubler? ANTIOCHUS. Ainsi donc sans témoins je ne lui puis parler? ARSACE. Vous la verrez, seigneur : Bérénice est instruite 1 Souvenir de Virgile, qui a dit, Géorg., I. II, v. 461 : « Foribus domus alta superbis Mane salutantum totis vomit ædibus undam. »> « Les portes de sa haute demeure s'ouvrent avec le jour pour livrer passage à des flots d'adorateurs. »> 2 Changer à pour avec ou en est un latinisme fort élégant qui doit être conservé. Régnier l'a employé : Et qu'il eût, sans espoir d'être mieux à la cour, Ainsi que La Fontaine dans Philémon et Baucis: Cependant l'humble toit devient temple, et ses murs ANTIOCHUS. Il suffit. Cependant n'as-tu rien négligé ARSACE. Seigneur, vous connaissez ma prompte obéissance. ANTIOCHUS. Arsace, il faut partir quand j'aurai vu la reine. ARSACE. Qui doit partir? ANTIOCHUS. Moi. ARSACE. Vous ? ANTIOCHUS. En sortant du palais, Je sors de Rome, Arsace, et j'en sors pour jamais. ARSACE. Je suis surpris sans doute, et c'est avec justice. ANTIOCHUS. Arsace, laisse-la jouir de sa fortune, Et quitte un entretien dont le cours m'importune. Je vous entends, seigneur ces mêmes dignités ANTIOCHUS. Non, Arsace, jamais je ne l'ai moins hafe. ARSACE. Quoi donc ! de sa grandeur déjà trop prévenu, ANTIOCHUS. Titus n'a point pour moi paru se démentir : ARSACE. Et pourquoi donc partir? Quel caprice vous rend ennemi de vous-même ? Le ciel met sur le trône un prince qui vous aime, Un prince qui, jadis témoin de vos combats, |