BÉRÉNICE. Non, je crois tout facile à votre barbarie : Je vous crois digne, ingrat! de m'arracher la vie. Qui, moi, j'aurais voulu, honteuse et méprisée, Que j'atteste le ciel, ennemi des parjures; : Non si le ciel encore est touché de mes pleurs, SCÈNE VI. TITUS, PAULIN. PAULIN. Dans quel dessein vient-elle de sortir, Seigneur? Est-elle enfin disposée à partir? TITUS. Paulin, je suis perdu! je n'y pourrai survivre : PAULIN. Hé quoi! n'avez-vous pas Ordonné dès tantôt qu'on observe ses pas ?? Ses femmes, à toute heure autour d'elle empressées, Non, non, ne craignez rien. Voilà les plus grands coups, 1 On ne dirait plus devant que pour avant que de. 2 Ces vers presque insignifiants paraissent calqués sur la tragique réponse d'Oreste : Quoi! ne m'avez-vous pas Vous-même, ici, tantôt, ordonné son trépas ? ( Andr., act. V, sc. m.) Je sais que sans pitié vous n'avez pu l'entendre; TITUS. Non; je suis un barbare. Quoi, seigneur ! PAULIN. TITUS. Je ne sais, Paulin, ce je dis 2: L'excès de ma douleur accable mes esprits. PAULIN. Ne troublez point le cours de votre renommée : TITUS. Ah Rome! Ah Bérénice! Ah prince malheureux! Pourquoi suis-je empereur? Pourquoi suis-je amoureux? SCÈNE VII. TITUS, ANTIOCHUS, PAULIN, ARSACE. ANTIOCHUS. Qu'avez-vous fait, seigneur? l'aimable Bérénice 1 Exagération puérile. Quelle comparaison y a-t-il à faire d'un homme qui n'épouse point sa maitresse à un monstre qui fait assassiner sa mère? 2 Racine, qui a pu dans les scènes précédentes ennoblir deux mots, fais l'amour, n'est pas aussi heureux dans ce passage: c'est que l'aveu n'est que trop vrai. 3 Entendre des pleurs est ici aussi juste que hardi. Je n'y puis résister, ce spectacle me tué. TITUS. Hélas! quel mot puis-je lui dire? Moi-même en ce moment sais-je si je respire? SCÈNE VIII. TITUS, ANTIOCHUS, PAULIN, ARSACE, RUTILE. RUTILE. Seigneur, tous les tribuns, les consuls, le sénat, TITUS. Je vous entends, grands dieux, vous voulez rassurer PAULIN. Venez, seigneur passons dans la chambre prochaine ; ANTIOCHUS. Ah! courez chez la reine. PAULIN. Quoi! vous pourriez, seigneur, par cette indignité, TITUS. Il suffit, Paulin; nous allons les entendre. (A Antiochus.) Prince, de ce devoir je ne puis me défendre. 1 L'abbé de Villars croyait faire une bonne plaisanterie en appelant ces hélas, dont les personnages de Bérénice disposent si volontiers, des hélas de poche. Voyez la préface de Racine. FIN DU QUATRIÈME ACTE. ACTE CINQUIÈME. SCÈNE I. ARSACE. Où pourrais-je trouver ce prince trop fidèle? SCÈNE II. ANTIOCHUS, ARSACE. ARSACE. Ah! quel heureux destin en ces lieux vous renvoie ', Seigneur ! ANTIOCHUS. Si mon retour t'apporte quelque joie, Arsace, rends-en grâce à mon seul désespoir. La reine part, seigneur. ARSACE. ANTIOCHUS. Elle part? ARSACE. Dès ce soir : Ses ordres sont donnés. Elle s'est offensée Que Titus à ses pleurs l'ait si longtemps laissée. Et Titus? ANTIOCHUS. Oh ciel! qui l'aurait cru? ARSACE. A ses yeux Titus n'a point paru. Le peuple avec transport l'arrête et l'environne, Applaudissant aux noms que le sénat lui donne; Et ces noms, ces respects, ces applaudissements, 1 On pouvait croire, en effet, qu'Antiochus était parti. Deviennent pour Titus autant d'engagements, ANTIOCHUS. Que de sujets d'espoir, Arsace! je l'avoue : SCÈNE III. TITUS, ANTIOCHUS, ARSACE. TITUS, à sa suite. Demeurez qu'on ne me suive pas. (A Antiochus.) Enfin, prince, je viens dégager ma promesse. Je viens, le cœur percé de vos pleurs et des siens, SCÈNE IV. ANTIOCHUS, ARSACE. ANTIOCHUS. Hé bien! voilà l'espoir que tu m'avais rendu! Pour ne la plus revoir Titus l'avait quittée! Qu'ai-je donc fait, grands dieux? quel cours infortuné A ma funeste vie aviez-vous destiné? Tous mes moments ne sont qu'un éternel passage De la crainte à l'espoir, de l'espoir à la rage'. Et je respire encor! Bérénice! Titus! Dieux cruels! de mes pleurs vous ne vous rirez plus. 1 Rage est un peu fort pour Antiochus, qu'on ne croit pas capable d'aller jusque-là. |