SCÈNE V. ROXANE, ZATIME. ROXANE. Pour la dernière fois, perfide, tu m'as vue, ZATIME. Atalide à vos pieds demande à se jeter1, D'un secret important qui vous touche plus qu'elle. ROXANE. Oui, qu'elle vienne. Et toi, suis Bajazet qui sort; SCÈNE VI. ROXANE, ATALIDE. ATALIDE. Je ne viens plus, madame, à feindre disposée, Je viens mettre mon cœur et mon crime à vos pieds2. Quand j'ai vu Bajazet, loin de vous obéir, Je n'ai dans mes discours songé qu'à vous trahir. Hélas! pour son malheur3 se plut à nous unir. 1 « Nous ne verrons plus rien qui solt susceptible d'un effet théâtral. Roxane, qui, après avoir envoyé son amant à la mort, attend tranquillement Atalide, et dit à Zatime encore plus tranquillement : Et toi, suis Bajazet qui sort; Et, quand il sera temps, viens m'apprendre son sort; ne peut plus inspirer le moindre intérêt. Ce cinquième acte, trèsfroid, à une scène près, c'est une complication de meurtres sans intérêt; et, après la sortie de Bajazet, la curiosité seule fait entendre le reste >> (La Harpe.) 2 Cette figure ne satisfait pas l'imagination. D'ailleurs, cette confession tardive est sans intérêt, puisqu'elle ne peut produire aucun résultat. 3 Le malheur de Bajazet. Vous l'aimâtes depuis plus heureux l'un et l'autre, ROXANE. Je ne mérite pas un si grand sacrifice : 1 «L'accusant d'avoir part à ma mort. On se servait encore alors figurément, dans la poésie et dans l'éloquence, de ces termes, qui ne sont plus d'usage qu'au barreau. Corneille y est fort sujet; Racine ne se l'est permis qu'une fois, et nos bons écrivains y ont renoncé. » (La Harpe.) 2 Cette antithèse fait un jeu de mots assez froid. 3 Cette ironie ne réchauffe pas la scène. SCÈNE VII. ROXANE, ATALIDE, ZATIME. ZATIME. Ah! venez vous montrer, madame, ou désormais ROXANE. Ah, les traîtres! Allons, et courons le confondre. SCÈNE VIII. ATALIDE, ZATIME. ATALIDE. Hélas! pour qui mon cœur doit-il faire des vœux? Si de tant de malheurs quelque pitié te touche, L'as-tu vu? Pour ses jours n'ai-je encor rien à craindre? ZATIME. Madame, en vos malheurs je ne puis que vous plaindre. ATALIDE. Quoi! Roxane déjà l'a-t-elle condamné? ZATIME. Madame, le secret m'est surtout ordonné. ATALIDE. Malheureuse, dis-moi seulement s'il respire. ZATIME. Il y va de ma vie et je ne puis rien dire. 1 «Zatime n'apprend rien à Roxane du sort de Bajazet ; Roxane ne témoigne sur cet objet aucune curiosité, quoiqu'elle eût recommandé à Zatime de venir lui apprendre le sort de Bajazet; mais le poëte a besoin que le spectateur l'ignore, et l'on aperçoit trop le besoin du poëte.» (Geoffroy.) Cela est vrai, pour les connaisseurs. Mais on n'en doit pas moins reconnaitre avec quelle adresse Racine a su prolonger l'incertitude, et intéresser encore après la mort de Bajazet. ATALIDE. Ah! c'en est trop, cruelle! Achève, et que ta main SCÈNE IX. ATALIDE, ACOMAT, ZATIME. ACOMAT. Ah! que fait Bajazet ? Où le puis-je trouver, A marché sur les pas du courageux Osmin : ATALIDE. Ah! je suis de son sort moins instruite que vous. 1 Atalide se souvient qu'elle est du sang des Ottomans, en qua lifiant ainsi la sultane. ZAIRE. Et ce qui va bien plus vous étonner, Urcan lui-même, Orcan vient de l'assassiner. Quoi! lui? ATALIDE. ZAIRE. Désespéré d'avoir manqué son crime, Sans doute il a voulu prendre cette victime, ATALIDE. Juste ciel, l'innocence a trouvé ton appui! ZAIRE. Par la bouche d'Osmin vous serez mieux instruite. Oui, j'ai vu l'assassin Retirer son poignard tout fumant de son sein. Bajazet ! 1 « Ce vers répond parfaitement à la critique de madame de Sévigné, qui dit qu'on n'entre point dans les motifs de cette grande tuerie: on y entre parfaitement, et il est très-naturel qu'Amurat, se défiant de Roxane et de Bajazet, ait donné ordre de les faire mourir tous les deux. >> (Geoffroy.) |