Ne sacrifiera point les pleurs des malheureux XIPHARÈS. Madame, assurez-vous de mon obéissance; MONIME. Hé! quel nouveau malheur peut affliger Monime, 1 La force à la main, comme on dit la menace à la bouche; mais l'analogie n'est pas complète, et il y a ici une hardiesse de langage qu'il faut remarquer. 2«Quelle grâce touchante, quel art et quel charme de style dans ce discours de Monime! Avec combien d'adresse elle excuse sa haine contre Pharnace! Comme elle flatte, sans le savoir et sans paraître s'en douter, tous les sentiments les plus chers au cœur de Xipharès! Quelle situation délicate et intéressante! Enfin que de naturel et de simplicité dans sa douleur! » (Geoffroy.) 3 Confondre les Romains en lui est d'une mâle concision, pour dire que, dans sa haine, Monime confond Pharnace et les Romains. 4 « Quand ce mot est au figuré, comme sous vos auspices, pour sous votre protection, il n'a point de singulier. Il en a un quand il est, comme ici, au propre, pour augurium. » ( Louis Racine.) 5 Ces vers, comme le remarque Geoffroy, montrent la fermeté du caractère de Monime, et annoncent la résistance qu'elle opposera plus tard à Mithridate. 6 « Ce vers est ici jeté adroitement; il prépare à une déclaration, à un aveu, puisque enfin il y a encore de tout cela dans cette pièce; mais les gradations sont observées. » (La Harpe.) XIPHARÈS. Si vous aimer c'est faire un si grand crime', Vous! MONIME. XIPHARES. Mettez ce malheur au rang des plus funestes; Mais avec quelque ennui que vous puissiez apprendre Ah! que m'apprenez-vous! MONIME. XIPHARÈS. Hé quoi! belle Monime, Je vous vis, je formai le dessein d'être à vous, Ne vous souvient-il plus, sans compter tout le reste 3, 1 «On a repris avec raison ces déclarations, qui tombent dans une galanterie romanesque, et n'ont pas la dignité tragique, quoiqu'elles ne manquent ni d'élégance ni de grace.» (Geoffroy.) Oui, cela est vrai, et Xipharès, tout prince qu'il est, rappelle ce personnage comique dictant une lettre qui commence ainsi : « Si c'est pécher que de vous aimer, je pèche, etc. » 2 « Pure galanterie! Ce n'est pas là de la tragédie. » (La Harpe.) 3 Il n'y a point ici d'ellipse forcée, comme le veut Geoffroy, mais une apposition. 4 J'ai promis que vous seriez libre. Sans compter tout le reste, hémistiche faible, est sans doute, comme on l'a remarqué, un sacrifice à la rime. Ne vous souvient-il plus, en quittant vos beaux yeux, MONIME. Hélas! XIPHARÈS. Avez-vous plaint un moment mes ennuis? MONIME. Prince... n'abusez point de l'état où je suis '. XIPHARÈS. En abuser, ô ciel! quand je cours vous défendre, MONIME. C'est me promettre plus que vous ne sauriez faire. Quoi malgré mes serments, vous croyez le contraire? On vient, madame, on vient expliquez-vous, de grâce. MONIME. Défendez-moi des fureurs de Pharnace : Pour me faire, seigneur, consentir à vous voir, Vous n'aurez pas besoin d'un injuste pouvoir 3. XIPHARÈS. Ah, madame! MONIME. Seigneur, vous voyez votre frère. 1 « Tout cela, il faut le dire, est de la fadeur, et ne peut passer que dans l'églogue et dans l'élégie. Mais ce vers si élégant: Quelle vive douleur attendrit mes adieux, et quelques autres vers, rappellent au moins le poëte, si l'on ne voit pas encore le poëte tragique. » (La Harpe.) 2 Prétendre signifie ici, comme dans la scène suivante, page 348, sans vouloir rien prétendre, aspirer à, et il a pour régime direct rien, pris dans le sens positif rem. Racine écrit indifféremment prétendre à quelque chose, et prétendre quelque chose, dans le même sens. La distinction qui réduit prétendre avec un régime direct au sens de soutenir une opinion, est une prétention des grammairiens. 3 Monime, qui veut se taire, laisse échapper son secret, et quoi qu'elle puisse dire, act. II, sc. I : Mon cœur affermi N'a rien dit, ou du moins n'a parlé qu'à demi, elle en a dit assez pour être comprise. SCÈNE III. MONIME, PHARNACE, XIPHARES. PHARNACE. Jusques à quand, madame, attendrez-vous mon père? MONIME. Seigneur, tant de bontés ont lieu de me confondre. Vous pouvez tout. PHARNACE. MONIME. Je crois que je vous suis connue. Éphèse est mon pays; mais je suis descendue A son heureux empire était alors unie : 1 Plus longtemps. Ce vers est faible. Mais celui qui termine cette tirade est magnifique : Souveraine des mers qui vous doivent porter. 2 Selon Plutarque, Monime n'était point d'Ephèse, mais de Milet. (Vie de Lucullus, chap. Ix.) Ephèse a été préféré pour l'harmonie. Les deux villes sont dans l'Ionic. Il daigna m'envoyer ce gage de sa foi. Je partis pour l'hymen où j'étais destinée. Sous ce titre funeste il se vit immoler; Et c'est de quoi, seigneur, j'ai voulu vous parler. Je ne puis point à Rome opposer une armée : Je n'ai pour me venger ni sceptre ni soldats; PHARNACE. Que parlez-vous de Rome et de son alliance? MONIME. Mais vous-même, seigneur, pouvez-vous le nier? PHARNACE. De mes intentions je pourrais vous instruire, 1 Où, auquel. C'est ainsi que Voltaire a dit, dans Alzire: Pardonne à cet hymen où j'ai pu consentir. Nos poëtes s'enhardissent à reprendre cet emploi de où, tombé en désuétude. Ils ont raison. 2 Il n'est pas question ici du célèbre Philopomen, chef de la ligne des Achéens, mort longtemps avant la naissance de Mithridate. Le nom du père de Monime est inconnu. 3 Traverses est pris improprement dans le sens de détours. |