Heureux! si j'avais pu ravir à la mémoire Dans mes lâches soupirs d'autant plus méprisable, 3 De l'obstacle éternel qui nous a séparés? Et, dans un fol amour ma jeunesse embarquée... Ah, seigneur! si votre heure est une fois marquée 4, 1 Lié sans complément est bien vague; mais il n'y a pas de méprise à craindre, comme dans les Plaideurs: Monsieur, je ne veux point être liée... (P. 83.) 2 Aucuns monstres. Les grammairiens accusent ici Racine de solécisme, parce qu'ils supposent qu'aucuns est négatif et ne peut prendre le pluriel. Aucuns est affirmatif, et il a le sens de quelques, « aliquot. »> 5 Ne souviendrait-il plus. M. Génin (Variations du Langage français, p. 427-8 ) remarque judicieusement que: Il me souvient, «subvenit mihi, » est la seule forme logique du verbe souvenir, qui devrait être unipersonnel. L'usage en a décidé autrement, et Racine a pu dire dans cette même tragédie: Je ne me souviens plus des leçons de Neptune. Je ne me souviens pas que vous soyez venue 4 Théramène n'est pas dans son rôle de gouverneur, et il est surprenant qu'avec un tel Mentor, Hippolyte soit resté si longtemps insensible. Alléguer, comme il le fait, les traces d'Hercule, en amour, c'est faire un mauvais raisonnement, et donner un détestable conseil. Vous-même où seriez-vous, vous qui la combattez ', D'une pudique ardeur n'eût brûlé pour Thésée ? Tantôt, savant dans l'art par Neptune inventé, HIPPOLYTE. Théramène, je pars, et vais chercher mon père. THÉRAMÈNE. Ne verrez-vous point Phèdre avant que de partir, HIPPOLYTE. C'est mon dessein: tu peux l'en avertir. Voyons-la, puisque ainsi mon devoir me l'ordonne. Mais quel nouveau malheur trouble sa chère OEnone? SCÈNE II. HIPPOLYTE, THÉRAMÈNE, OENONE. OENONE. Hélas, seigneur! quel trouble au mien peut être égal? En vain à l'observer jour et nuit je m'attache; Son chagrin inquiet l'arrache de son lit : HIPPOLYTE. Il suffit je la laisse en ces lieux, Et ne lui montre point un visage odieux. 1 Le grave gouverneur cotoie ici la comédie, et même il y tombe: au langage près, n'est-ce pas le raisonnement d'Henriette disant à sa sœur Femmes savantes, act. I, sc. 1): Mais vous ne seriez pas ce dont vous vous vantez, Si ma mère n'eût eu que de ces beaux côtés, Et bien vous p' end, ma sœur, que son noble génie L'abbé Geoffroy ajoute à ce rapprochement si naturel une remarque non moins judicieuse sur la pudique ardeur d'Antiope. SCÈNE III. PHEDRE, OENONE. PHÈDRE. N'allons point plus avant, demeurons, chère OEnone'. Et mes genoux tremblants se dérobent sous moi. (Elle s'assied.) OENONE. Dieux tout-puissants, que nos pleurs vous apaisent! PHÈDRE. Que ces vains ornements, que ces voiles me pèsent3! OENONE. Comme on voit tous ses vœux l'un l'autre se détruire ! Noble et brillant auteur d'une triste famille, 1 Phèdre parait, et la tragédie commence : il n'y a plus qu'à admirer. 2 Αἵρετέ μου δέμας· ὀρθοῦτε κάρα. Λέλυμαι μελέων ξύνδεσμα, φίλαι. «Soulevez mon corps, relevez ma tête: la force qui lie mes membres entre eux m'échappe, ô mes amies!» (Eurip., v. 198.) 5 Βαρύ μοι κεφαλῆς ἐπίκρανον ἔχειν. Que cette parure pèse à ma tête! » (V. 201.) 4 Ταχὺ γὰρ σφάλλει, κοὐδενὶ χαίρεις, Οὐδέ τ' ἀρέσκει τὸ παρόν, τόδ' ἀπὸν Φίλτερον ἡγεῖ. « Tu changes sans cesse; rien ne te charme; ce que tu vois te déplait; et tu préfères ce qui n'est pas sous tes yeux. » (Eurip., v. 183.) 35 a Quæsivit cœlo lucem ingemuitque reperta. D Virg. Æn, 1. IV, v. 692. OENONE. Quoi! vous ne perdrez point cette cruelle envie ? PHEDRE. Dieux ! que ne suis-je assise à l'ombre des forêts1! Quoi, madame? OENONE. PHÈDRE. Insensée ! ou suis-je ? et qu'ai-je dit? Je te laisse trop voir mes honteuses douleurs ; OENONE. Ah! s'il vous faut rougir, rougissez d'un silence Rebelle à tous nos soins, sourde à tous nos discours, 1 ...O qui me gelidis in vallibus Hæmi Virg. Georg., 1. II, v. 488-9. Πῶς ἂν δροτερᾶς ἀπὸ κρηνίδος, «Hélas, hélas ! que ne puis-je, au bord d'une source limpide, puiser une onde pure qui me désaltère ! que ne puis-je, couchée à l'ombre des peupliers, me reposer sur une verte prairie! » (Eur., v. 208.) 2 Δεσποίν ̓ ἁλίας, Ἄρτεμι, Λίμνας Καὶ γυμνασίων τῶν ἱπποκρότων, «Diane. souveraine de Limné sur le bord de la mer, toi qui diriges les jeux bruyants des coursiers, que ne suis-je dans ton domaine occupée à dompter de jeunes chevaux venètes! » (Eur., v. 229.) 5 Δύστανος ἐγώ, τί ποτ ̓ εἰργασάμαν ; Που παρεπλάγχθην γνώμας ἀγαθᾶς ; "Malheureuse, qu'ai-je fait ? où laissai-je égarer ma raison? Je l'ai perdue. Je suis tombée par la vengeance d'un dieu.» (Eur., v. 240.) Depuis que votre corps languit sans nourriture 1. Ce fils qu'une Amazone a porté dans son flanc, PHEDRE. Ah dieux ! OENONE. Ce reproche vous touche 2. Malheureuse ! quel nom est sorti de ta bouche 3 ! OENONE. He bien ! votre colère éclate avec raison : 1 Τριτάταν δέ νιν κλύω Τάνδε κατ' αμβροσίου Δάματρος ἀκτᾶς δέμας ἁγνὸν ἴσχείν. « Voilà, dit-on, le troisième jour depuis qu'elle écarte de sa bouche délicate les doux présents de Cérès. » (Eur., v. 135.) 2 Ἀλλ ̓ ἴσθι μέντοι πρὸς τάδ' αὐθαδεστέρα Γίγνου θαλάσσης) εἰ θανεῖ, προδοῦσα σοὺς Ἱππόλυτον. ΦΑ. Οι μοι ! ΤΡ. Θιγγάνει σέθεν τόδε. Mais, sache-le bien, dussent mes paroles te rendre plus courroucée que la mer, si tu meurs, tu trahis tes enfants, tu les prives de l'héritage de leur père; j'en jure par cette Amazone belliqueuse qui a mis au monde, pour les asservir, un batard plein d'une noble fierté; tu le connais bien, c'est Hippolyte! - PH. : Helas! - LA NOUR. : Ces reproches te touchent. » (Eur, ν. 305.) 5 Απώλεσάς με, μαῖα, καί σε, πρὸς θεῶν, Τοῦδ ̓ ἀνδρὸς αὖθις λίσσομαι σιγάν πέρι. « PH. : Tu me fais mourrir, o nourrice! Au nom des dieux, je t'en supplie, ne prononce jamais le nom de cet homme. >> (Eur., v. 312.) 4 Ορᾶς; φρονεῖς μὲν εὖ, φρονοῦσα δ' οὐ θέλεις Παϊδάς τ' ὀνῆσαι καὶ τὸν ἐκσῶσαι βίον. « LA NOUR. : Vois-tu? ta haine est juste, et pourtant tu refuses de sauver tes fils, et de prendre soin de tes jours, » (Eur., v. 313.) |