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II.

LES PÉRIPLES DES CÔTES DE SYRIE

ET DE LA PETITE ARMÉNIE

Il serait bien difficile de dire ce que fut au temps des croisades l'organisation de la marine des principautés latines de Syrie; nous savons seulement que les rois de Jérusalem possédaient des arsenaux à Acre et à Tyr et qu'ils entretenaient un certain nombre de navires de combat.

A l'entrée des ports et sur les principaux caps de la côte syrienne, se voyaient des tours munies de feux destinés à guider les navigateurs qui côtoyaient le rivage pendant la nuit.

Le littoral de la Syrie et de la Caramanie, composé, en très grande partie, de plages sablonneuses, formées par les alluvions des torrents descendus des montagnes, ainsi que par les apports du grand courant Méditerranéen, sont peu découpées et ne présentent au navigateur que de rares abris.

Les travaux maritimes n'étaient pas très familiers aux ingénieurs Latins aussi ne créèrent-ils que des ports d'une faible superficie.

Seuls, Acre, Tyr, Sagette, Laodicée et le Soudin ou Port St Siméon, possédaient des ports aptes à recevoir des navires d'un tirant d'eau considérable. A Tripoli et à Tortose, des îles abritant le mouillage contre les vents du large, procuraient, grâce à la bonne tenue des fonds, une assez grande sécurité aux bâtiments.

Quand une embouchure de rivière était protégée par une pointe du rivage, les Latins s'en servaient parfois pour y créer un refuge, comme nous le voyons au Nahar es Sîn, où un petit mouillage que l'on doit, je crois, identifier avec le Beona ou Lena de Sanuto, avait été ménagé sous la protection du fort nommé le Toron de Boldo.

Sur la côte de Caramanie, ce n'est qu'à l'Aïas et à Gorhigos que se voient des restes de travaux méritant le nom de ports, et encore la nature en a-t-elle fait, en partie, les frais. Tous les autres points de ce littoral, énumérés plus loin, ne furent jamais que des anses plus ou moins abritées par des caps, des ilots ou des récifs, et souvent même de simples mouillages en pleine côte.

Plusieurs essais ont déjà été tentés sur la géographie maritime de cette région au temps de la domination Latine.

La première de ces études a été publiée par MM. Tafel et Thomas, dans le second volume des Urkunden zur älteren Handels-und-Staats geschichte der republik Venedigs, pp. 399 et suivantes. Ce travail se borne à une annotation assez sommaire du texte de Marino Sanuto, renvoyant, pour chaque localité, aux divers auteurs, tant anciens que modernes, qui en ont parlé.

La seconde, que nous devons également à M. Thomas, est intitulée Der Paraplus von Syrien und Palästina. C'est une espèce de tableau synoptique des formes des noms portés au Moyen-Age par les divers points du littoral Syrien, tableau formé à l'aide de la réunion, dans un même cadre, des dénominations fournies par huit portulans conservés dans les diverses bibliothèques de Munich. Malheureusement aucun commentaire géographique n'accompagne ces nomenclatures.

Pensant qu'il restait encore beaucoup à faire après ces auteurs, je me suis déterminé à traiter ce sujet à mon tour.

Le portulan du génois Pierre Visconti, fait en 1318 et conservé au musée municipal de Venise dans le fonds Correr (A, 6, 34), deux cartes d'un atlas sur vélin, du XVIe siècle, conservé dans la bibliothèque de l'université de Munich sous le n° 337 ', et dont les noms sont reproduits par M. Thomas, ainsi que les fragments du périple de Sanudo, intitulé: « Descriptio riperiæ marinæ soldano subjectæ et

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» propriorum nominum de marina, terrarum, portuum ac insularum, suc» carum et milium etc. >> forment la base de mon étude : c'est autour d'eux que j'ai groupé les éléments puisés à d'autres sources moins importantes, ainsi que les commentaires que j'ai cru devoir y joindre, et que j'annonçais en 1866 dans mon Essai sur la domination française en Syrie au temps des croisades 3.

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DE SYRIE.

COMMENTAIRE GÉOGRAPHIQUE.

La situation exacte de la localité nommée Canamella au temps des croisades n'a pas encore été établie d'une manière positive. Elle me semble devoir être recherchée au fond du golfe d'Alexandrette, là où le rivage est formé par la plaine d'Issus, dont le terrain humide se prête merveilleusement à la culture de la canne à sucre.

Les ruines nommées Sakal-Toutan, dans lesquelles M. Langlois croyait avoir retrouvé le site de Canamella me semblent d'une part trop rapprochées de l'Ayas et de l'autre trop éloignées d'Alexandrette pour pouvoir concorder d'une manière satisfaisante avec les distances données par l'auteur anonyme du périple.

Entre Canamella et Alexandrette se trouvent deux localités souvent mentionnées dans les documents contemporains des croisades: l'Ayas, petite ville relevant de la principauté d'Antioche, et la Portelle ou Portella qui forma longtemps la frontière du royaume d'Arménie et de la principauté d'Antioche. Willebrand d'Oldenbourg cite en ces termes Portella: «Hoc est casale » bonum, prope se habens portam, a qua ipsum denominatur. Hæc sola sita est in strata publica in » ripa maris, et est ornatissima. » 2

Les piles de cet arc, encore debout, nommées piliers de Jonas, sont bâties en marbre blanc. La carte de Sanuto signale entre Alexandrette et le Ras el Khanzir un mouillage nommé Borbonellum; c'est le même que nous trouvons désigné par les auteurs du XVI° et_du_XVII° siècles sous le nom de port Bonnel 3; celui-ci se trouve aujourd'hui au village moderne de Borounli ou Mordounli.

Le chaînon de l'Amaüs s'étendant du col de Beylan au Ras el Khanzir, alors nommé Montagne Noire, était couvert de forêts, arrosées par des sources abondantes; là s'élevaient plusieurs abbayes, les unes de moines grecs, les autres du rite latin; et parmi ces dernières se voyait celle de S. Georges, que nous trouvons plusieurs fois mentionnée dans les chartes de la principauté d'Antioche.

Le port S. Siméon était celui de l'antique Séleucie, nommé au Moyen-Age Soudin ou le Sachin et qui formait alors un des fiefs de la principauté d'Antioche. Ce port est aujourd'hui comblé. C'est un bassin de forme elliptique, entièrement creusé de main d'homme, communiquant avec la mer par un canal maintenant obstrué par les sables. Il est bordé de quais, et mesure 650 mètres de longueur sur une largeur de plus de 400.

Un filet d'eau, vanant de l'Est, s'y perd au milieu de la végétation marécageuse qui remplit aujourd'hui cette dépression; deux jetées encore bien reconnaissables s'avançaient dans la mer formant avant-port à l'entrée du chenal.

Guillaume de Tyr et Jacques de Vitry nomment Mons Oruntes les montagnes qui dominent Antioche au sud; aujourd'hui elles sont appelées Djebel Kossaïr, nom qu'elles tirent des ruines de la forteresse nommée Cursat au temps de la domination franque. A cette époque le massif du Cassius s'appelait le Mont Parlier et le Portus Vallis de la carte de Sanuto doit être identifié avec la baie de Kassab. Le port nommé Tandera qui est indiqué ici comme situé à l'extrêmité d'une vallée me paraît être le même que le Portus Vallis.

1 Langlois, Voyage en Cilicie, p. 472.

2 Willebr. Oldenb., Itiner., c. XVIII ed. Laurent, p. 175.

3 Mémoires et caravanes de Jean de Luppé (Paris, 1865, 8°), p. 96-98.

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