4° Donnant dans la salle au point où finissait le couloir et probablement à angle droit avec lui, la première grotte avec un sol de terre; 5o Au fond de celle-ci, la deuxième grotte 3o; 6o Enfin, à gauche de l'entrée de cette dernière et en face d'une inscription, une cavité peu considérable. De ces six locaux, les trois premiers étaient vides, le quatrième contenait les corps de Jacob, le cinquième ceux d'Abraham et d'Isaac, le sixième quinze vases pleins d'ossements 3. On remarquera également qu'aucun objet ne paraît avoir été, malgré le témoignage oriental, trouvé avec les corps, et qu'il est difficile de croire que celui de Jacob fût à l'état de momie 32. Quant aux restes des femmes des patriarches, notre auteur n'en parle point: je ne serais nullement surpris que le chanoine Arnoul n'ait pas poussé assez loin ses investigations, et se soit arrêté précisément derrière le mur qui, suivant un pélerin musulman du Xe siècle, Abou bekr el Eskafy 33, séparait le caveau d'Abraham de celui de Sara, de Rébecca et de Lia. Que sont devenus les corps après l'invention? Nous venons de voir, par le récit du chanoine d'Hébron, qu'ils furent sortis de leurs caveaux et solennellement promenés dans le cloître, et nous n'avons aucune raison de révoquer en doute Benjamin de Tudèle, nous affirmant (vers le dernier quart du douzième siècle) qu'ils avaient été replacés dans la crypte, et Aly el-Herewy faisant honneur au roi Baudouin de la restauration des sépultures. Mais nous pouvons, d'autre part, affirmer qu'ils n'y furent point replacés tout entiers et que de notables fragments en furent détachés et placés dans un grand autel que l'on consacra, sous le vocable des trois patriarches, dans le sanctuaire supérieur. Vers 1180, en effet, l'avoué de l'abbaye de S. Gall, le comte Rodolphe de Pfüllendorf, s'étant retiré en Terre Sainte pour finir sa vie au service du S. Sépulcre et dépenser ses biens en aumônes, reçut de son ami, l'abbé Ulrich IV, une demande de reliques. Il se rendit à Hébron, se fit ouvrir l'autel en question, et, en échange d'une aumône de dix marcs d'or 34, reçut des reliques des trois patriarches 30 Et sans que rien, dans le texte, vienne appuyer l'affirmation de Pierotti que la grotte serait double dans le sens perpendiculaire et non dans le sens horizontal au contraire. 31 Comparez ce que dit de ces vases Benjamin de Tudèle, 1. c. 32 Le texte dit, en effet ossa pour Jacob et Isaac. Pour Abraham seul, il pourrait y avoir doute: « cor »pus signatum »; à moins que les clercs latins en se soient trompés et n'aient pris le corps d'Abraham pour celui de Jacob; v. plus haut, n. 6. 33 Cet Abou Bekr ne pénétra pas d'aifleurs plus loin; voir plus haut n. 2. 34 Environ 6588 fr., valant plus de 131 mille francs de notre monnaie. qu'il envoya à S. Gall dans un reliquaire précieux 35, où elles paraissent avoir brûlé dans le grand incendie de 1314.36, 1 Auparavant d'autres fragments des trois corps avaient dû être envoyés à l'empereur d'Orient, dans la chapelle duquel l'abbé islandais Nicolas de Thingeyrar les vénéra en 1157 37. Les corps eux-mêmes, vus sous la domination latine par Balian de Bethleem, par Benjamin de Tudèle et probablement par beaucoup d'autres 38, furent-ils laissés à leur place par les Infidèles après la reprise d'Hébron par Saladin en 118739? Le respect extraordinaire, qu'ont toujours inspiré aux Musulmans les noms des trois patriarches, est un sûr garant du culte dont ils durent entourer leurs restes; et j'affirmerais sans hésiter que ces restes reposent aujourd'hui encore à la même place et dans le même état que les ont laissés les chanoines d'Hébron, sans un passage de Makrizi, qui raconte qu'à la fin de 1267, le sultan Bibars fit rebâtir la mosquée, et au commencement de 1268, la ville d'Hébron 4o. D D D 35 Anno ab Incarnatione Domini 1180, regnante » comes Ruodolphus de Phulndorf, collecta maxima ner, bibliothécaire de S. Gall: cf. Arx, Gesch. S. Galls, II, pp. 9, 10. 37 Exuvie C. P., II, 213. Ce sont probablement ceux qu'y vola en 1204 l'abbé Martin de Pairis en Alsace, pour les transporter dans son monastère (Ibid., I, 122). Je n'ai rencontré de mentions de reliques semblables que dans Nicolaus Signorilis, Catal. relliquiarum SS. (ms. de l'Archivio Colonna à Rome, rédigé sous Martin V, 1417-1431), qui signale à S. Maria sopra Minerva, à Rome: « De reli» quiis ss. patriarcharum Abraham, Isaac et Jacob » (Renseignement dû à l'obligeance de M. le comm. de Rossi). Comme celles dont je viens de parler, ces dernières ont disparu. 38 Ces sépultures paraissent, en effet, avoir été alors un but de pèlerinage. Cf. Itinér. français, I, 65, 1046, 122, 170, 233. Il est vrai que, suivant une lettre du vizir égyptien Salih à l'émir syrien Ousâma, insérée dans Imåd ed-Din, Livre des deux jardins (éd. de Boulâk, t. I, p. 117), lettre que veut bien me sinaler M. Hartwig Derenbourg, la cavalerie égyptienne, commandée par Ibn Farìdj (?) le Tâite, aurait occupé Hébron en 1138; mais les sépultures n'ont pas dû se ressentir de cette invasion momentanée, certainement antérieure à la visite de Benjamin de Tudèle. 39 Ibn al-Athir, Kåmil, ad ann. H. 583 (Hist. or. des cr., I, 697). 40« Bientôt après (safar 666, oct.-nov. 1267), ce » prince donna l'ordre de rebâtir la mosquée de » Khalil. L'émir Djemal Eddin ben Nahar se rendit » sur les lieux pour surveiller les travaux et les » conduisit à leur terme. » Ce même mois (II djoum. 466, févr.-mars 1268) » il donna l'ordre de rebâtir la ville de Khalil, et » voulut que le repas qui s'y donnait eût lieu à » quelque distance de la mosquée. » (Makrizi, éd. Quatremère, II, pp. 48, 51). La mosquée, aussi bien que la ville, étaient donc détruites à cette époque. Mais quand avait eu lieu cette destruction? Pas en 1187, car la conquête de Saladin ne paraît avoir comporté qu'une capitulation sans combat 41. D'autre part Hébron ne semble pas avoir été compris dans le territoire rendu à Frédéric II en 1229 42, ni par conséquent repris de force par les Infidèles après cette date. Je trouve seulement qu'en octobre 1244, la ville, alors appartenant au prince de Damas, lui fut enlevée par les troupes du sultan d'Égypte 43. Sont-ce ces troupes ou leurs alliés, les Kharismiens, qui démolirent alors la mosquée? violèrent-elles aussi les sépultures? Autant de points douteux et que seuls les orientalistes versés dans la connaissance des manuscrits, pourront éclaircir. Je me contente, quant à moi, de leur signaler cet intéressant problème 44. R. 41 Ibn al-Athir, 1. c. 42 Cf. Eracles, 1. XXXIII, c. 8 [R. des hist. occ. des cr., II, 374]. En sept. 1253, l'évêque d'Hébron, Barthélemy de Fossanova paraît avoir Acre pour résidence; (cf. Tabulæ ord. Teut., ed. Strehlke, p. 82). Ses successeurs y habitaient en 1265 (Delaville le Roulx, Arch. de Malte, pp. 29 et 229), ainsi qu'en 1268 (Schlumberger, Sceaux de l'Or. Lat., p. 20) et en 1273 (Tabule ord. Teut., p. 116). 43 Makrizi, ad ann. 1244, d. Joinville (éd. Du Cange), 1668, p. 529. 44 Les caveaux étaient fermés en 1334 lorsqu'Ibn Batoutah visita Hébron (Voyages d'Ibn Batoutah, tr. Defrémery, II, p. 115), et les pèlerins musulmans n'y entraient pas; il en fut de même plus tard et il en est de même probablement encore aujourd'hui. VI. SIGILLOGRAPHIE BYZANTINE DES DUCS ET CATÉPANS D'ANTIOCHE, DES PATRIARCHES I. DUCS BYZANTINS D'ANTIOCHE. L'illustre cité d'Antioche, la Grande Théoupolis des Byzantins, μeɣáλn OεOUTóλis, métropole d'Asie et première forteresse du sud, prise en 540 par Chosroès, tombée aux mains des Arabes sous le règne d'Héraclius, dès l'an 637, fut reconquise plus de trois siècles après par les troupes de l'empereur Nicéphore Phocas, commandées par Michel Bourtzès patrice, et Pierre'. Cet évènement eut lieu le I nov. 969, quelques semaines seulement avant l'assassinat du brillant empereur par son compétiteur Jean Zimiscès. Cent seize années plus tard, en 1085, la trahison de Philarète Vrakamios et de son fils livra de nouveau Antioche aux mains des Infidèles; Soliman, sultan des Turcs s'en empara. Mais, cette fois, les Arabes ne demeurèrent pas longtemps maîtres de leur conquête et, dès 1098, le 3 juin, après un siège fameux, Antioche tombait aux mains des chefs de la première croisade. Dans cet intervalle de plus d'un siècle, entre les années 969 et I V. Muralt, I, p. 548 |