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ses mœurs, sa naissance et sa capacité, y tirait au sort, dans un livre de droit civil ou canon, le sujet de ses thèses, de grand matin; et le soir même, entre None et Vêpres, après quelques heures seulement de préparation, il allait les soutenir à la Salle-l'Évêque, c'est-àdire dans la maison ou le palais que l'évêque de Maguelone avait alors à Montpellier, et dont une de nos rues porte encore aujourd'hui le nom. La soutenance était imposante. Tous les docteurs de la Faculté devaient y assister, et y prendre une part active, en présence de l'évêque ou de son délégué. Ils donnaient ensuite leurs notes, émettaient un avis, prononçaient un jugement consciencieux, d'après lesquels le candidat était admis ou ajourné. S'il était ajourné, on l'en informait secrètement, et de manière à lui épargner toute confusion. Si, au contraire, il était admis, on le proclamait en public, et il pouvait, en vertu de cette décision, prendre le bonnet de docteur quand il voulait et où il voulait, soit dans l'Université de Montpellier, soit dans toute autre Université'. Optait-il immédiatement pour l'Université de Montpellier, on procédait de suite à la solennité de sa réception. La cloche de l'Université

Cette liberté ne subsista pas toujours. Un statut de 1468, renouvelé en 1477, et rapporté au fol. 106 du Liber Rectorum, prescrit à tout gradué inférieur le serment de ne prendre les grades supérieurs, et le doctorat notamment, dans aucune autre Université que celle de Montpellier, « et hoc sub pena perjurii et infamie, et solutione jurium. >>

convoquait, à cet effet, maîtres et étudiants dans l'église Notre-Dame des Tables. Le récipiendaire s'y rendait, escorté de tous ses amis, si nombreux qu'ils fussent, et là, au milieu de la foule savante empressée à lui faire honneur, il commentait le texte d'une loi ou d'un décret quelconque ; après quoi, le président interrogeait encore les docteurs sur sa capacité, et l'admettait à prêter serment. Le serment prêté selon la formule prescrite, il lui octroyait publiquement la licence de lire, de régenter, d'enseigner, de disputer, de remplir, en un mot, toutes les fonctions doctorales dans l'Université de Montpellier ou ailleurs, conformément à la constitution du pape Nicolas IV. Puis, le docteur que le récipiendaire avait choisi pour maître et pour parrain lui conférait les insignes du doctorat, lui donnait l'investiture par la chaire, le livre, le bonnet, le baiser ou l'accolade, et la bénédiction. Le nouveau docteur commençait ensuite à lire, et allait finalement faire une prière et une offrande à l'autel '.

1 Nous donnons parmi nos Pièces justificatives le texte original des articles des statuts de 1339 concernant le cérémonial de la licence et du doctorat dans notre ancienne Université de droit. On y trouvera l'indication d'une foule de détails secondaires, dont nous n'avons pas cru devoir tenir compte pour notre récit, de peur de l'étendre démesurément, mais que ceux de nos lecteurs qui s'intéresseraient à ces sortes de matières ne seront peut-être point fâchés de connaître. Le même cérémonial est mentionné dans un acte d'appel de 1344, transcrit sur le Cartulaire de Maguelone, Reg. D, fol. 157 v° sq., où il

Ainsi avait lieu, au XIVe siècle, une réception doctorale dans notre Université de droit. Deux conséquences ressortent de ce cérémonial: le doctorat s'y révèle, d'une part, comme une sorte de haute chevalerie scientifique, ayant ses rites propres et ses insignes spéciaux, essentiellement liés à ceux de l'Église ; et il n'y est, d'autre part, que la sanction définitive, la proclamation publique d'un succès préalablement obtenu dans les luttes privées de la licence: d'où vient, sans doute, le double nom d'acte triomphal (actus triumphalis) et de début solennel (solemne principium) par lequel le désignent les statuts de 1339.

Le docteur reçu d'après ce cérémonial était arrivé au magisterium, et avait désormais le pouvoir d'enseigner partout. Car l'enseignement était libre au moyenâge, la condition des grades une fois remplie '. Mais

est représenté comme très-ancien, comme remontant jusqu'à la fondation même de l'École de droit de Montpellier.

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De là, cette disposition des statuts de 1339, qui interdit aux docteurs et bacheliers de s'enlever mutuellement les élèves : << Statuimus et ordinamus, sub pena excommunicationis, quam >> in contrarium facientes incurrere volumus ipso facto, quod >> nec rector nec consiliarii, nullusque doctor, baccalarius seu >> scolaris Universitatis predicte, in favorem alicujus vel odium >> alterius, subtrahere rogando, minando, vel pecunias dando » vel mutuando, vel litteras ab aliquibus procurando, audeat >>scolares doctoribus seu baccalariis legentibus in jure canonico >> seu civili, nec aliquos scolares contra liberam eorum volun>> tatem compellere precise vel causative, nec inducere vel

que de temps et de travail n'en coûtait-il point pour parvenir à la maîtrise! Que d'argent, aussi, ne dépensait-on pas avant d'aboutir à ce terme! Quoique la collation des grades fùt gratuite en 1339 dans notre Université de droit, les frais qu'avait à supporter le nouveau docteur s'élevaient encore bien haut, pourtant, sans parler des sacrifices de tout genre inséparables de neuf ans d'attente. Le cardinal Bertrand se voit dans l'obligation de les réduire, d'accord avec une disposition des Clémentines, au maximum de 3,000 tournois 2. C'était une somme assez ronde à une époque où le

>> rogare ad aliquem doctorem vel baccalarium audiendum. » Lib. Rect., fol. 19 v°; Cf. Form. juram. rector., ibid., fol. 20 v°. De là, encore, cet autre article des mêmes statuts qui défend

aux bacheliers sur le point d'ouvrir un cours d'aller de maison en maison convier les étudiants à y assister. Voy. ibid., fol. 8 v°; Cf. Savigny, Hist. du droit rom., IV, 509 sq.

Statuts de 1339, cap. 18, ap. Lib. Rect., fol. 11 v°, Savigny, ibid., IV, 501.

2 «< Doctorandus non possit, per se nec per alios, nec de >> bonis suis, nec de bonis amicorum, vel aliquo modo sibi do>> natis, ultra tria millia turonensium argenti expendere, omnibus >> expensis que ratione doctoratus fient per omnia computatis. » Ibid.; Cf. Clementin., lib. V, titul. I, cap. 2.- On s'explique, après cela, qu'on ait accordé, comme un privilége spécial, au recteur et aux douze conseillers, ainsi qu'aux deux trésoriers de notre École de droit, une exemption complète de toutes charges universitaires pendant la durée de leurs fonctions respectives. Voy. Statuts de 1 424 et 1433, ap. Lib. Rect., fol. 48 vo, et 54 v°.

numéraire, de plus en plus rare, avait une si grande valeur. Il existait, au moyen-âge, heureusement, de charitables hôtelleries, des colléges, comme on disait, où la généreuse munificence des fondateurs avait ouvert un asile aux plus pauvres étudiants.

Une partie de cet argent, il est vrai, tournait au profit de l'Université; il servait à fournir aux dépenses communes, aux messes, aux anniversaires, aux funérailles. La caisse, ordinairement gardée dans la sacristie des Frères-Prêcheurs, avait trois clefs, dont l'une se trouvait aux mains du recteur, les deux autres devant rester en dépôt chez deux conseillers choisis parmi les deux nations étrangères à celle du recteur, afin que chacune des trois nations pût exercer ainsi une égale surveillance sur l'emploi des fonds généraux.

Mais il n'en fallait pas moins payer pour les cours, sinon pour tous, du moins pour certains d'entre eux. Bien que l'enseignement du droit romain et celui du droit féodal fussent gratuits en principe, comme la collation des grades, on prélevait, malgré cela, sur chaque étudiant, dix sous « pour la taille de son doc>>>teur . » Il fallait aussi payer pour les bancs 2, payer pour les livres, et avant que l'imprimerie eût multiplié

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<<< Quilibet scolaris decem solidos usualis monete pro tallia

>> doctoris.... solvere teneatur. » Statuts de 1339, cap. 25, ap.

Lib. Rect., fol. 16, et Savigny, Hist. du droit rom., IV, 506.

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« Quilibet scolaris quinque solidos pro banchis solvere. >> teneatur. » Ibid.

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