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une constitution conforme à sa nature et en harmonie avec l'époque, une constitution qui, en réglant les rapports mutuels de ses membres, permît à la science de s'y développer sans entraves.

Telle fut la pensée du cardinal Conrad. Ses statuts attestent, dès les premières lignes, l'importance qu'avait déjà acquise parmi nous, lors de leur rédaction, l'enseignement de la médecine. « Depuis longues années», y est-il dit, « la profession de la science médicale a » brillé et fleuri avec une gloire insigne à Montpellier, » d'où elle a répandu la salutaire abondance et la vivi>> fiante multiplicité de ses fruits sur les diverses parties >> du monde 1. >> -Témoignage très-grave, assurément, dans la bouche d'un étranger, si l'on a égard surtout à sa date de 1220; témoignage on ne peut plus flatteur en même temps pour l'École qui en est l'objet, et singulièrement propre à mettre en relief le double fait de la supériorité précoce et des progrès uniques de l'enseignement auquel il se rapporte. C'est pour affermir cette supériorité, pour donner à ces progrès tout l'essor dont ils sont susceptibles, que, d'accord avec ses vénérables frères les évèques de Maguelone, d'Agde, de Lodève et d'Avignon, et après avoir pris conseil des maîtres et des disciples de l'École en question, le cardinal Conrad arrête et promulgue, au nom du Saint-Siége, sa charte

Nous donnons parmi nos Pièces justificatives le texte original des statuts du cardinal Conrad. On peut y recourir pour ce passage, comme pour le reste.

organique. Mais en quoi consiste cette charte? Le but de l'œuvre une fois indiqué, comment son auteur s'efforce-t-il d'y atteindre? Une revue attentive des divers articles va nous l'apprendre.

« Qu'à l'avenir personne, à Montpellier, ne se livre à >> l'enseignement public de la médecine, sans avoir été >>> préalablement examiné et approuvé par l'évêque de » Maguelone, qui, pour cet examen, s'adjoindra quel» ques professeurs de son choix. »>

Tel est le premier article des Statuts de 1220. Ces statuts consacrent, dès leur début, la juridiction épiscopale sur l'École qu'ils doivent régir. Il en était de même à Paris; il en fut de même aussi, nous l'avons vu, pour notre Université de droit. Les Universités apparaissent partout, au moyen-âge, sous la dépendance du pouvoir ecclésiastique. Les évêques de Maguelone et de Montpellier jusqu'à notre première Révolution ont conservé, en vertu de cette prérogative, un droit de haute direction sur notre École de médecine'. Ils

Le fait est attesté, pour le XV siècle, par la Chronique du Petit Thalamus, à la date du 1er juin 1402, et par les Lettres de Louis XI du 8 janvier 4469, insérées dans le Livre des priviléges de l'Université de médecine de Montpellier, fol. 72 v°. On en a également la preuve, quant au XVI° siècle, dans les statuts de 1554, transcrits au fol. 160 v° sq. du même Livre. Le maintien de cette autorité épiscopale se révèle, pour le XVII siècle, dans les Lettres royales du 23 février 4606 concernant l'élévation de François Ranchin à la chaire laissée vacante par la mort de Jean Saporta (ibid., fol. 448 v°), dans

partageaient, dans l'origine, l'exercice de ce droit avec les papes; car aux papes appartint jadis, nous l'avons reconnu, le suprême protectorat de l'enseignement, et leur autorité fut même assez long-temps, sous ce rapport, vis-à-vis de celle des évêques, une sorte de tribunal supérieur, où on en appela en cas de contestation. Nicolas III, par exemple, annulle, en 1278, sur la requête de l'Université de médecine de Montpellier, certaine licence conférée contrairement aux statuts par l'official de Maguelone. En 1290, également, l'official de Maguelone s'étant avisé de conférer, au nom de l'évêque, la maîtrise en médecine à un clerc de son diocèse jugé insuffisant par les professeurs, à la suite de plusieurs examens, et les professeurs en ayant porté plainte au Saint-Siége, Nicolas IV délègue pour terminer la querelle le prévôt d'Avignon et deux chanoines de la même Église 2. En 1308, Clément V, continuant ce

les documents relatifs à l'intervention de l'évêque de Montpellier Pierre Fenoillet dans la nomination de Pierre Dortoman à la chaire de chirurgie et de pharmacie récemment créée par Henri IV (ibid., fol. 154 sq.), de même que dans les provisions et installations de Simon Courtaud, de Lazare Rivière et de Louis Soliniac (ibid., fol. 168 sq.).

1 Bulle du 1er octobre 1278, ap. Arch. dép., Livre des priviléges de l'Université de médecine de Montpellier, fol. 4.

2 L'acte où est rapporté ce fait nous donne une bien singulière idée de la conduite de l'official dans cette circonstance : « Cum Ermengaudus Blasius », y est-il dit, « diocesis Magalo>> nensis clericus, et scholaris residens in studio Montispessu

rôle de souverain, ordonne, de l'avis d'Arnaud de Villeneuve, de Jean d'Alais et de Guillaume de Mazères, anciens régents de la Faculté de médecine de Montpellier, que personne ne puisse être promu désormais à la licence qu'après en avoir été proclamé digne par les deux tiers de la Faculté au moins '. Une seconde bulle du même pape a pour objet de déclarer nulle et non avenue l'élection du chancelier de la même Faculté, dans le cas où le choix de l'évêque de Maguelone ne serait pas appuyé du suffrage des deux tiers des maîtres ou professeurs 2. Une troisième bulle de Clément V >> lani, vellet in arte medicine in magistrum eligi et creari, et >> sepe examinationi magistrorum, ut moris est, se submisisset, >> fuissetque ab eisdem repulsus penitus et exclusus, quia per >> examinationem hujusmodi ab eisdem seu majori parte eorum» dem idoneus repertus non fuerat ad hujusmodi magisterium >> obtinendum,.... discretus vir officialis Magalonensis, de man>> dato domini Magalonensis episcopi, ut dicebat, quosdam ex >> dictis magistris per captionem corporum, quosdam vero minis >> et timoribus consentire coegit ut prefatus clericus ad magis>>terium hujusmodi convolaret; qui magistri, constituti post>> modum libertati, ex hujusmodi gravamine ipsis per dictum >> officialem illato ad Sedem Apostolicam appellarunt. » Livre des priviléges, etc., fol. 74.

Bulle du 8 septembre 1308, ap. Livre des priviléges, etc., fol. 5; Cf. ibid., fol. 30.

2 << Nisi due partes universitatis magistrorum Facultatis ejus>> dem commorantium in studio sepedicto in electione cancellarii >> cum episcopo prefato consenserint. » Bulle du 8 septembre 1308, ap. Livre des priviléges, etc., fol. 1 et 12 v°; Cf. Baluze, Vitæ pap. Aven., II, 465 sq., et Astruc, Mém. pour

prescrit, en outre, les livres que doivent lire et expliquer publiquement les bacheliers, ainsi que le nombre et la matière des examens à subir pour arriver à la maîtrise. Ces diverses bulles restèrent long-temps en vigueur dans notre École de médecine. On voit Urbain V, en 1364, à la demande de la Faculté, et par l'intermédiaire du cardinal Jean de Blauzac, casser l'élection d'un chancelier faite contrairement à la seconde d'entre elles par le vicaire-général de l'évêque de Maguelone 2. On voit aussi, en 1468, la nomination de Martial de Genoillac à la place de chancelier taxée d'irrégularité et déférée au roi de France pour n'avoir pas eu lieu conformément aux dispositions de la même bulle 3.

l'hist. de la Fac. de méd. de Montp., p. 44 sq.-Cette bulle de Clément V, qui fut confirmée, le 30 juillet 1320, par Jean XXII, était encore en pleine vigueur au XV siècle, comme l'établissent les Lettres de Louis XI du 8 janvier 1469 transcrites sur le même Livre des priviléges, fol. 72 v° sq.; et elle continua de l'être jusqu'en 1664, époque où Louis XIV nomma d'office le chancelier de notre Université de médecine.

1 Bien que cette troisième bulle du 8 septembre 1308 ait été déjà publiée par Astruc dans ses Mémoires pour l'histoire de la Faculté de médecine de Montpellier, p. 45 sq., la manière vicieuse dont cet auteur en a lu, à diverses reprises, le manuscrit, nous a déterminé à l'éditer de nouveau parmi nos Pièces justificatives.

2 Arch. départ., Livre des priviléges de l'Université de médecine, fol. 8 v° sq.

3 Lettres de Louis XI du 8 janvier 4469, ibid., fol. 72 v sq.

'T. III.

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