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L'archevêque de Bourges approuva, la même année, l'acte du vicomte Roger, et menaça de l'anathême tous ceux qui tenteraient de renouveller le pillage. (1)

Cette vicomté fut réunie au domaine de la couronne, en 1226, par Louis VIII qui, après le siège d'Avignon, passa à Albi, et reçut l'hommage des chevaliers d'Albi et de Gaillac; son drapeau fut arboré sur la cathédrale.

DES ÉVÊQUES CONSIDÉRÉS COMME SEIGNEURS TEMPORELS D'ALBI.

Dès le 5me siècle, les évêques, qui étaient ce qu'il y avait dans le pays de plus énergique, de plus moral et de plus éclairé, (2) entrèrent en partage de l'autorité judiciaire. Ils accrurent peu à peu leurs pouvoirs et devinrent bientôt haut-justiciers. Un manuscrit, trèsrépandu à Albi, constate que la justice y était déjà exercée par l'évêque au commencement du 9me siècle. Deodatus, aumônier de Charlemagne, devenu évêque d'Albi, y aurait établi, en 804, un juge, un procureur fiscal et deux notaires, octroyé des privilèges et créé des consuls. En 985, l'évêque Amelius aurait transigé avec Pons, comte de Toulouse, au sujet de divers droits sur la justice et sur le temporel. Des actes authentiques (3) prouvent en effet que la justice criminelle appartenait alors à l'évêque. L'enquête de 1229, rapportée dans l'ouvrage de Dom Vaissette, confirme cette assertion. Il y est dit qu'à lui seul appartient le droit de prendre des ordonnances, d'exercer la haute justice, et que quoique son élection fut faite par le vicomte, les chanoines du chapitre et les prud'hommes, le vicomte n'en restait pas moins le vassal de l'évêque.

Ces prétentions, combattues par les officiers du roi, donnèrent lieu à de longs débats, dans lesquels intervinrent le cardinal de St.-Ange, légat du pape, et le sénéchal de Carcassonne. Ils ne furent terminés qu'en 1264. A cette époque une transaction entre St.-Louis et l'évêque, Bernard de Cumbret, régla les pouvoirs de ce seigneur et prescrivit des bornes aux deux juridictions. Cet acte (4) attribua à

(1) Voir les documents et les pièces justificatives No 3. (2) M. Fauriel, histoire de la Gaule méridionale. (3) Preuves de l'histoire de Languedoc, t. 2, page 344. (4) Pièces justificatives No 6.

l'évêque, ainsi qu'à ses successeurs, la haute justice dans la cité, c'est-à-dire, la connaissance des crimes, vols et adultères, le droit de confisquer les biens des condamnés, la garde des clefs de la ville, etc.

La justice des causes civiles devait être exercée conjointement par l'évêque et les officiers du roi, de telle sorte que les habitants avaient option, dans ce cas, d'intenter leurs actions devant le viguier ou bien devant le juge de l'évêque. St.-Louis créa, par la même charte, un bailli qui jurait entre les mains du seigneur temporel qu'il n'attenterait pas à ses prérogatives et qu'il en serait le justiciable. Le droit d'host et de chevauchée fut maintenu à l'évêque, à la juridiction duquel les officiers du roi demeurèrent soumis, et qui obtint aussi la moitié des confiscations des biens des bannis et des hérétiques condamnés. Il paraît qu'alors on ne condamnait jamais à une peine capitale sans prononcer la confiscation des biens. C'était un droit de haute justice, et les biens confisqués appartenaient, une partie au seigneur haut-justicier, l'autre partie au roi.

Le roi abandonna à l'évêque, par la même transaction, les moulins appelés les botelz ainsi que les propriétés confisquées aux héré– tiques dont le Seigneur temporel, le chapitre et l'église d'Albi étaient déjà en libre possession. La manière de vendre ces biens est aussi réglée dans l'acte. Voilà le titre particulier, voilà la concession d'où émanait la juridiction de l'évêque, comme Seigneur hautjusticier. Ce droit, il en jouissait déjà, mais il n'était pas assez justifié et il pouvait donner lieu à des discussions interminables. Cette transanction fut confirmée par lettres patentes de 1463, 1553 et 1762. (1)

Reconnu haut-justicier par le roi, l'évêque devait nommer des officiers qui rendissent la justice en son nom, car il n'existe pas dans les archives de la mairie d'Albi de pièce qui constate que ce seigneur l'exerçat lui-même.

La cour temporelle, qu'on appelait en langue de l'époque la cort seglar, se composait d'un régent, premier officier de l'évêque, d'un juge, d'un procureur, d'un lieutenant, de deux notaires et de

(1) Pièces justificatives No 23.

plusieurs sergents. Un exécuteur des arrêts était aux ordres du juge. Les soldats du guet commandés par un capitaine étaient tenus de prêter main-forte pour l'exécution des jugements de la cour temporelle deux d'entr'eux assistaient aux audiences. Un règlement

existe sur ce service. (1)

Lorsqu'il s'agissait de juger un crime qui portait peine de sang, comme on le disait alors, voici les formes que prescrivait un règlement remarquable (2), arrêté au mois de septembre 1269 par l'évêque et les consuls, et sanctionné par Jean de Sollié, archevêque de Bourges, dont l'évêché d'Albi était suffragant.

Aussitôt que la plainte parvenait à la cour de l'évêque, le bailli ou juge devait procéder à une enquête en présence de deux prud'hommes de la cité, qui juraient de ne rien révéler de ce qu'ils auraient appris dans l'enquête, jusqu'à ce que le prévenu fut traduit devant ses juges.

Dans le cas où il y avait lieu à poursuivre, le juge devait appeler au moins vingt habitans des plus recommandables de la cité, et s'abstenir de les prendre parmi les amis ou les ennemis de l'accusé. Arrivés dans une salle du palais de l'évêque, la Besbia (3), ils prêtaient entre les mains du juge le serment de lui donner bon conseil et de juger dans toute la droiture de leur bon sens; ils entendaient la lecture de l'enquête, et le juge, après leur avoir lu en roman les coutumes de la ville sur le jugement des criminels, exposait tous les faits de la cause et invitait ensuite l'accusé à faire connaître ce qu'il avait à dire pour sa défense. Celui-ci se défendait luimême ou choisissait un défenseur qu'on appelait lizendier rasonador. Ces formalités remplies, les prud'hommes, véritables jurés, étaient obligés de déclarer si l'accusé devait être acquitté ou condamné, et dans ce dernier cas, qu'elle peine il convenait de lui infliger.

Avant d'émettre leur avis, les jurés se retiraient seuls dans une salle particulière pour délibérer. Rentrés dans le lieu des séances, ils faisaient connaître leur opinion motivée par l'organe de l'un

(1) Pièces justificatives No 25. (2) Charte N. 7. (3) Lo bisbe, l'évêque; la besbia, l'évêché ou le palais de l'évêque.

d'entr'eux, ou quelquefois ils répondaient individuellement aux questions présentées par le juge. Celui-ci était tenu de rendre un jugement conforme à la déclaration de ce jury.

Si quelques-uns des notables convoqués refusaient d'accepter ce mandat, le juge en appelait d'autres jusqu'à ce que le nombre de vingt fut atteint, et s'il ne pouvait les trouver dans la ville, il était autorisé à les choisir au dehors.

L'évêque présidait quelquefois l'assemblée, ou assistait seulement au prononcé du jugement. Les sentences devaient être lues ordinairement en langue vulgaire, sur une place publique, en présence de la cour temporelle et du peuple assemblé.

Si le juge s'écartait des règles tracées par les coutumes, les consuls en appelaient au viguier et au juge du roi, pour le maintien de leurs privilèges. Le condamné pouvait également interjeter appel; dans ce cas, il devait être statué dans le délai de trois jours, sans quoi la connaissance de l'appel était dévolue au sénéchal de Carcassonne, comme juge présidial, et ce, aux périls et dépens des viguiers et juge royaux.

A cette époque la cour de l'évêque employait les tortures contre les accusés d'hérésie. Elle prononçait la peine de mort, le bannissement, la confiscation des biens, le fouet, la prison à temps ou la détention à perpétuité dans des lieux appelés muri. Les condamnés à mort étaient ou pendus aux fourches patibulaires de St.-Amarand ou de Valcabrières, quelquefois brûlés, ou roués, après avoir été attachés sur une claie à la queue d'un âne et traînés dans les rues de la ville. Suivant la gravité et la nature des crimes ou délits, le condamné subissait la peine de l'échelle, du poteau ou du pilori, sur la place de l'évêché. (1)

La charte de 1220 (2), accordée aux habitants d'Albi par l'évêque Guillaume de Pierre, fait connaître les peines pour coups et blessures, meurtre et adultère. L'article 10 de cet acte porte que l'homme et la femme, condamnés pour ce dernier crime, marcheront tous nus

(1) Voir divers jugements de condamnation aux pièces justificatives No 15 et suivants. (2) Pièces justificatives No 4.

dans la ville, à moins qu'ils ne transigent avec l'évêque. Une autre pièce (1) importante, communiquée par M. Gustave de Clausade, ajoute encore à ces détails. C'est une sentence rendue en 1278 par M. Guillaume de Vezian, juge de la cour séculière de l'évêque. Elle fait connaître que, la course terminée, les habits et tous les objets appartenant aux condamnés devaient leur être rendus.

Les peines pour vol et autres délits sont exprimées dans les chartes de 1220, 1264 et 1269.

Les droits et privilèges de l'évêque, quoique bien établis, furent plusieurs fois l'objet de longues contestations. Une corporation, connue sous la désignation de confrérie de St.-Louis, se plaçant sous la sauvegarde du roi, refusa plusieurs fois de se soumettre au pouvoir de l'évêque dont elle déclinait la juridiction. De longs débats eurent lieu à ce sujet. On trouvera aux documents les pièces (2) qui se rattachent à cette affaire.

Outre la haute justice, qui appartenait à l'évêque seul, sa juridiction s'étendait aussi aux causes civiles qu'on portait indifféremment devant les officiers du roi ou le juge du seigneur. C'est ce qu'on appelait la justice moyenne. M. l'évêque Delbène fit publier un réglement sur le mode de procéder devant la cour temporelle. (3)

DES VIGUIERS D'ALBI.

Les viguiers, d'abord vicaires des comtes, exerçaient la justice sous l'autorité des sénéchaux, dans un rayon déterminé qu'on appelait viguerie.

Le pays d'Albigeois fut divisé, au 13me siècle, pour l'administration de la justice, en deux parties séparées par la rivière du Tarn. Dans la portion située sur la rive droite, la justice était rendue par un juge, qui avait son siège à Gaillac. Il dépendait de la sénéchaussée de Toulouse. La portion du diocèse d'Albi, à la gauche de cette rivière (l'Albigeois et le Castrais), formait le district de la viguerie d'Albi, compris dans la sénéchaussée de Carcassonne.

(1) Pièces justificatives Ne 14. (2) Pièces justificatives No 12. (3) Pièces justificatives No 25.

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