BURRHUS. Ou plutôt il est mort, JUNIE SCÈNE V. AGRIPPINE, BURRHUS. AGRIPPINE. Quel attentat, Burrhus ! BURRHUS. Je n'y pourrai survivre, AGRIPPINE. BURRHUS. 1 Voici le tableau que Tacite a tracé de ce tragique repas (Ann., 1. XIII, C. XVI.): « Illic epulante Britannico, quia cibos potusque ejus « delectus ex ministris gustu explorabat, ne omitteretur institutum, « aut utriusque morte proderetur scelus, talis dolus repertus est. In« noxia adhuc ac præcalida et libata gustu potio traditur Britannico. « Dein , postquam fervore aspernahatur frigida in aqua adfunditur « venenum; quod ita cunctos ejus artus pervasit ut vox pariter et spiritus raperentur. Trepidatur a circumsedentibus : diffugiunt « imprudentes. At quibus altior intellectus, resistunt defixi et Ne« ronem intuentes. Ille ut erat reclinis et nescio similis,« solitum cita , ait, per comitialem morbum quo primum ab infantia adflic« taretur Britannicus, et redituros paulatim visus sensusque. » At Cependant sur son lit il demeure penché ; AGRIPPINE. Agrippinæ is pavor, ea consternatio mentis, quamvis vultu pre« meretur, emicuit, ut perinde ignaram fuisse ac sororem Britana nici Octaviam, constiterit: quippe sibi supremum auxilium « ereptun et parricidii exemplum intelligebat. Octavia quoque, « quamvis rudibus annis, dolorem, caritatem, omnes affecius absa condere didicerat. Ita post breve silentium repetita convivii læti« tia, » « Britannicus était à l'une de ces tables. Comme il ne mangeait ou ne buvait rien qui n'eût été goûté par un esclave de confiance , et qu'on ne voulait ni manquer à cette coutume, ni dé à celer le crime par deux morts à la fois, voici la ruse qu'on imagina. Un breuvage encore innocent, et goûté par l'esclave, fut servi à Britannicus; mais la liqueur était trop chaude, et il ne put la boire. Avec l'eau dont on la rafraichit, on y versa le poison , qui circula si rapidement dans ses veines , qu'il lui ravit en même temps la parole et la vie. Tout se trouble autour de lui; les moins prudents s'enfuient; ceux dont la vue pénètre plus avant demeurent immobiles, les yeux attachés sur Néron. Le prince , toujours couché sur son lit et feignant de ne rien savoir, dit que c'était un événement ordinaire, causé par l'épilepsie dont Britannicus était attaqué depuis l'enfance; que peu à peu la vie et le sentiment lui reviendraient. Pour Agrippine , 'elle composait inutilement son visage : la frayeur et le trouble de son âme éclataient si visiblement, qu'on la jugea aussi étrangère à ce crime que l'était Octavie, şæur de Britannicus : et, en effet , elle voyait dans cette mort la chute de son dernier appui, et l'exemple du parricide. Octavie aussi, dans un âge si jeune, avait appris à cacher sa douleur, sa tendresse, tous les mouvements de son âme. Ainsi, après un moment de silence, la gaité du festin recommença. » (Burnouf.) Ces deux récits sont deux modèles achevés, 'l'un pour l'histoire, l'autre pour le drame. Le poële est contraint à quelques sacrifices qu'il compense par d'autres beautés : ainsi l'accueil fait par Néron à Britannicus n'est pas indiqué par l'historien ; mais le poëte reste au-dessous de son modèle dans ce trait : « At quibus « altior intellectus , resistunt defixi et Neronem intuentes, » L'immobilité des convives, leurs regards immobiles arrêtés sur César, manquent dans ce vers : Sur les traits de César composent leur visage. Et le dernier trait, qui peint toute la cruauté voluptueuse de la cour impériale : : « Post breve silentium repetita convivii lætitia, » est à peine indiqué par D'une odieuse cour j'ai traversé la presse. i Ce mot trahit la mauvaise conscience d’Agrippine. Elle craint d'être soupçonnée, ayant trempé dans tant de crimes. NÉRON, voyant Agrippine. AGRIPPINE. NÉRON. Vous. NÉRON. AGRIPPINE. NÉRON. NARCISSE. AGRIPPINE. 1 Néron est ici un instrument de la justice divine. A défaut de remords, Agrippine est punie, par l'ingratitude de son fils, des crimes qu'elle a commis pour lui. 9 Néron a la làcheté du crime, Narcisse en a l'impudence. Par des faits glorieux tu te vas signaler; NÉRON. suivez-moi. SCÈNE VII. AGRIPPINE, BURRHUS. AGRIPPINE. 1 « Parricidii exemplum. » ( Tac. ) Voy. p. 188, note , l. 4. Est résolu de se justifier. 3 Ce mot est un ordre, ainsi Agrippine conserve sur Néron l'ascendant d'une âme fortement trempée sur la faiblesse criminelle. Néron n'est pas au niveau de ses crimes. Il cède d'abord par faiblesse à ses mauvais penchants; il s'y abandonnera ensuite par folie. Ces monstres, dont les crimes nous épouvantent, étaient des aliénés, et leur démence était tout à la fois le chåtiment de leurs vices et de la lâcheté des peuples qui les supportaient. BURRHUS. Ah madame! pour moi j'ai vécu trop d'un jour. Plût au ciel que sa main , heureusement cruelle, Eût fait sur moi l'essai de sa fureur nouvelle! Qu'il ne m'eût pas donné, par ce triste attentat, Un gage trop certain des malheurs de l'État ! Son crime seul n'est pas ce qui me désespère, Sa jalousie a pu l'armer contre son frère : Mais, s'il vous faut, madame, expliquer ma douleur, Néron l'a vu mourir sans changer de couleur. Ses yeux indifférents ont déjà la constance D'un tyran dans le crime endurci dès l'enfance. Qu'il achève, madame, et qu'il fasse périr Un ministre importun qui ne le peut souffrir. Hélas ! loin de vouloir éviter sa colère, La plus soudaine mort me sera la plus chère. ALBINE. AGRIPPINE. ALBINE. ces dieux immortels Dont ta vertu t'a fait partager les autels. » Le peuple cependant, que ce spectacle étonne, Vole de toutes parts, se presse, l'environne, S'attendrit à ses pleurs, et, plaignant son ennui, |