blancs de Treignac, dont M. l'abbé Sollier, curé de Merlines, a écrit l'histoire (1). Après un coup-d'œil jeté sur l'histoire des confréries de Pénitents en général, après quelques pages consacrées aux plus célèbres de ces sociétés, nous nous sommes plu à parler avec détails des compagnies limousines, qui devaient, tout naturellement, nous tenir davantage au cœur. Il nous a paru utile de consacrer par une sérieuse étude le souvenir de ces puissantes associations au moment même où elles viennent de disparaître, sans doute pour toujours. Si nous ne devons plūs revoir ces pittoresques confréries, si chères à nos aïeux, il faut que Limoges garde du moins une notion exacte de l'esprit qui les anima, de leur objet, de leurs services, du rôle important joué par elles dans le passé. - On se moquait volontiers des Pénitents; et certes, à l'étranger qui s'attachait à l'extérieur et n'allait pas au fond des choses, ces longues files d'hommes mal alignés, ces croix processionnelles couvertes de larges banderolles des plus riches étoffes, ces lanternes placées au bout de longs batons, ce fantastique cortège (2), cette barbare psalmodie, cet accoutrement rappelant le costume classique du magicien des ombres chinoises, pouvaient sembler d'une originalité un peu étrange; mais les Limousins étaient habitués à tout cela: si la population répétait certains dictons traditionnels, certains brocards séculaires s'adressant surtout aux écarts de conduite et de régime qu'on reprochait aux Pénitents (3), elle n'en gardait pas moins, dans ce bon coin du cœur où vit encore la mémoire et le respect des choses graves, un faible très prononcé pour ces confréries. Elles avaient un passé utile et glorieux; elles étaient la vieille note locale dans le concert catholique des grands jours. Cette note avait sa valeur, et il nous arrive souvent de la regretter, quand une procession passe aujourd'hui sous nos fenêtres, semblable à toutes les processions. Pendant deux cent soixante-dix ans, tous les habitants de (1) Histoire de la confrérie des Pénitents de Treignac. Ussel, 1861. (2) A l'Exposition du Costume organisée en 1874 au palais des ChampsÉlysées par l'Union centrale des Beaux-Arts, on a pu voir une curieuse procession de Pénitents de Limoges disposée avec une rare entente de l'effet. La gravure placée en tête de ces pages la reproduit avec fidélité. (3) Voir ci-dessus la note 3 de la page 146. Limoges, riches et pauvres, prêtres, magistrats, marchands, ouvriers, se sont confondus dans les rangs de ces confréries, ont revêtu cet humble costume, et pratiqué, à l'ombre de la croix, la véritable solidarité humaine, l'union, la fraternité, la charité. Un tel passé aurait peut-être dû assurer à nos anciennes compagnies un peu plus de bienveillance et de ménagements de la part de l'autorité ecclésiastique. Il faut reconnaître, d'un autre côté, que les Pénitents affectaient vis-à-vis du clergé paroissial une indépendance hors de saison; que dans toutes ces confréries il existait des abus; que les associés montraient en dernier lieu peu d'attachement à l'institution, et cherchaient dans les cérémonies plutôt un prétexte de banqueter qu'une occasion de satisfaire et de manifester leurs sentiments de piété. Enfin on ne recrutait plus de nouveaux confrères. N'avons-nous pas vu, en dernier lieu, le zélé trésorier des Pénitents Blancs en être réduit, pour faire figurer cette compagnie aux processions, à habiller ses ouvriers avec les costumes déposés chez lui, et mener ainsi à travers la ville un cortège presque entièrement composé de personnes étrangères à l'association? La dernière heure avait sonné pour ces confréries. Les conserver telles qu'elles étaient, il n'y fallait pas songer. Une transformation en temps opportun les eût peut-être sauvées, tout au moins eût prolongé leur existence: elles ne s'y prêtèrent pas. Elles étaient restées jusqu'à ces dernières années ce qu'elles avaient été dans la période qui précéda 1789; néanmoins, parmi leurs membres, la foi et la charité diminuaient tous les jours, et la raison d'être de ces associations disparaissait avec elles. On ne saurait donc ni s'étonner de leur disparition, ni en accuser personne; mais il est permis de regretter les compagnies de Pénitents comme une des institutions les plus bienfaisantes et les plus populaires du passé: c'est le devoir de l'histoire locale de conserver leur souvenir, et, en racontant leur décadence, de rendre témoignage de leurs vertus, de leurs services, de leur grandeur. LOUIS GUIBERT. NÉCROLOGIE MGR BERTEAUD Mar Berteaud, ancien évêque de Tulle, membre honoraire de la Société Archéologique du Limousin, est mort le 2 mai 1879. Mer Berteaud était né, à Limoges, le 30 novembre 1798, dans une maison de la rue du Collège que l'on montre encore. Ordonné prêtre à Paris en 1822, pendant la vacance du siège épiscopal de Limoges, il fut nommé professeur de philosophie au petit-séminaire du Dorat. En 1831, M. Labiche de Reignefort, chanoine théologal de la cathédrale de Limoges, résigna son canonicat en sa faveur. Pendant dix ans, il parut avec éclat non-seulement dans la chaire de la cathédrale, mais encore dans les chaires de Paris et des grandes églises de France. Son éloquence était d'un genre à part: il parlait à l'esprit plutôt qu'au cœur; c'était la philosophie chrétienne exposée avec des formes poétiques de langage dont lui seul avait le secret. Doué d'une mémoire prodigieuse et d'une immense érudition, il avait pour thème favori la philosophie du Verbe appliquée au mystère de l'Incarnation. Il avait puisé cette haute doctrine dans les écrits des Pères de l'Eglise, et notamment dans ceux de saint Augustin, qu'il traduisait et citait en tonte occasion. Son imagination créatrice lui faisait jeter des fleurs et comme un manteau de poésie sur les matières philosophiques les plus élevées et les plus abstraites. Il s'appliquait surtout à réfuter les erreurs contempo raines. Il avait, comme improvisateur, un talent hors ligne; et, sans s'inquiéter si son auditoire pouvait le suivre, il s'élevait dans les hauteurs du dogme, dans les régions supérieures de la théologie, sans aucun souci des règles de la méthode, qu'il semblait dédaigner. Nous l'avons connu avant son épiscopat: les jeunes gens surtout suivaient ses prédications avec enthousiasme. Michelet, qui l'avait entendu à Paris, s'était épris d'admiration pour son talent, et l'avait prié de préparer sa fille à la première communion. Nommé évêque de Tulle en 1842, et consacré dans la cathédrale de Limoges le 21 septembre, il a, pendant trente-six ans d'épiscopat, évangélisé les villes et les bourgades de son diocèse, et semé partout, sans se lasser, les riches trésors de sa parole. Maintes fois il a été appelé à prêcher hors de son diocèse dans des circonstances solennelles : signalons en particulier la retraite qu'il donna, au mois de septembre 1859, au clergé de Paris. A Rome, où il se trouvait en 1862, il se fit entendre à Saint-Louisdes-Français, et dans l'enceinte du Colysée, où il émerveilla son auditoire. Pie IX a dit de lui ces belles paroles : « C'est la tradition vivante de l'Eglise, ornée de toute la poésie du ciel ». Dans sa longue carrière épiscopale, Mgr Berteaud n'a pas publié un très grand nombre de mandements. Lui qui parlait avec une facilité prodigieuse avait besoin, pour écrire, de faire un effort sur lui-même. Ses mandements et ses circulaires ont été réimprimés et recueillis en volumes. Si parfois on n'y distingue pas un enchaînement méthodique, on y trouve toujours, sur les mystères de la foi, sur la vie surnaturelle et les sacrements, sur l'Eglise et le Souverain-Pontife, de magnifiques aperçus. Sa conversation n'était ni moins brillante, ni moins attrayante que ses discours. Avec les ressources qu'il puisait dans son immense érudition, avec son style imagé et poétique, il étonnait et charmait ses auditeurs. Mgr Berteaud était membre honoraire de la Société Archéologique depuis 1857. Il aimait passionnément le Limousin et tout ce qui se rattachait à sa chère province. Il revendiquait pour sa ville de Tulle l'honneur d'avoir été évangélisée au 1 siècle, par saint Martial. Il avait réuni, dans sa nombreuse et riche bibliothèque, non-seulement les éditions les plus belles et les plus recherchées des Pères de l'Eglise et des théologiens, mais un grand nombre d'ouvrages rares et curieux, et en particulier des livres écrits par des auteurs limousins ou traitant de l'histoire du pays. Lui-même était une bibliothèque vivante. Le Limousin peut se glorifier d'avoir vu naître des orateurs célèbres: au xvr° siècle, Marc-Antoine Muret s'est distingué dans l'éloquence académique; au xvIIo, d'Aguesseau s'est fait un nom dans l'éloquence du barreau; au xvIII, Vergniaud a brillé dans l'éloquence de la tribune; au xixo, Mgr Berteaud s'est illustré dans l'éloquence de la chaire. La Société Archéologique perd en lui un de ses membres les plus éminents. L'abbé ARBELLOT. TOMBEAU DE FABRICATION LIMOUSINE A FOUCARMONT Nous ne croyons pas qu'on ait encore signalé, parmi les produits de l'art limousin au XIII° siècle, le tombeau de cuivre exécuté dans notre ville pour Jean, petit-fils du roi de Jérusalem Jean de Brienne, et pour sa mère. Ce tombeau, qui avait été marchandé, à Limoges, par ce seigneur lui-même, se voyait dans l'église de l'abbaye de Foucarmont en Normandie. Nous reproduisons ci-après le passage de la Chronique des comtes d'Eu qui nous a révélé l'existence de ce monument. L. GUIBERT. « Cedit Jehan.... trespassa a Clairmont en Beauvoisin, l'an (M) CCLXXXXIIII, et se feist apporter a laditte eglise (de Foucarmont) et gist dedans le cueur on cousté de sa mere, et fist moult noble testament, et laissa grand foison de deniers a l'eglise dessus dite et ailleurs. Ledit Jehan en son vivant marchanda en la ville de Limoges de faire unes tombes pour luy et pour sa mere. Ledit maistre Jehan (Jean des Forges, conseiller de ce seigneur), les feist parfaire et achever et apporter a laditte abbaye, et assair sur le corps de son seigneur et de sa mere. Ils sont de fin cuyvre et y a deux ymaiges enlevez tres grands pour luy et pour sa mere gesans soubz laditte tombe, et est tout l'ouvraige qui est suroré d'or fin. >>> (Recueil des Historiens de France, T. XXIII, p. 444.) |