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l'abbé de Villars, l'abbé Pellegrin, Riccoboni, le P. Brumoy, les frères Parfait, Le Franc de Pompignan, Du Bos, J.-B. Rousseau, J.-J. Rousseau ( sur Bérénice), Voltaire ( sur la même pièce), La Mothe-Houdard (sur Bajazet), Roger (sur Esther et Athalie ), et enfin M. Petitot, auteur de quelques notes disséminées dans son édition de Racine. Nous avons recueilli les meilleures observations de chacun de ces écrivains, et rapporté en entier le commentaire de Voltaire sur Bérénice.

On s'étonnera peut-être de ne pas retrouver dans cette édition les préfaces et les examens critiques de Louis Racine, Luneau, La Harpe et Geoffroy. Ils y sont cependant en partie, mais dans un autre ordre. Il résulte de la marche suivie jusqu'à ce jour, que les mêmes anecdotes et les mêmes remarques étaient répétées dans les préfaces de l'auteur, dans celles de l'éditeur, dans les notes au bas du texte, dans les examens à la fin de la pièce, enfin dans les divers essais sur la vie de Racine qui précèdent ses ouvrages. Ces répétitions continuelles grossissaient inutilement les volumes, et nous avons cru devoir les éviter. Pour y parvenir, il suffisait de faire passer les préfaces et les jugements dans les notes placées au bas du texte. Tel a été l'objet de cette partie de notre travail, seulement nous avons eu soin de réunir les anecdotes aux Mémoires que Louis Racine a publiés sur la vie de son père, de manière à les compléter. Ces Mémoires offrent, au moyen de ces annotations, un tableau intéressant de tout ce qui nous est parvenu sur ce grand poëte. Ainsi, non-seulement les répétitions ont été évitées, mais l'ordre a été établi dans les matières.

Réduit à cette juste mesure, notre commentaire les renferme tous. C'est le travail d'un siècle entier sur Racine, c'est le jugement de la postérité prononcé par des hommes qui avaient fait une profonde étude des secrets de la langue et de la poésie. Si nous n'avons pas tout dit, c'est que nous aurions été blâ– mables de tout dire. La Harpe, qui s'est quelquefois trompé dans son commentaire, mais qui a très-bien parlé des commentateurs, les soumet à des règles dont nous avons cherché à ne pas nous écarter. « H ne faut pas, disait ce grand critique,

<«< épuiser par l'analysc ce qui est de goût et de sentiment; il « suffit de choisir ce qui peut servir au lecteur d'indication « pour le reste. La connaissance de tous les secrets de l'art, « qui sont sans nombre, heureusement n'est nécessaire qu'à « ceux qui le cultivent, ou à ceux qui prennent sur eux de s'en «rendre les juges devant le public. Ceux-ci ne doivent pas « tout dire; mais, pour ne pas se tromper dans ce qu'ils « disent, ils doivent savoir tout ce que l'on pourrait dire. »

Qu'on nous permette encore deux observations sur notre travail : la première a pour objet le choix des remarques où les commentateurs se sont rencontrés. Il semblait naturel de rapporter la note qui avait servi de type à toutes les autres : nous avons cependant été obligé de renoncer à cet acte de justice; car Luneau en copiant Louis Racine, La Harpe en copiant Luneau, et Geoffroy en copiant La Harpe, ajoutent le plus souvent quelque chose à la pensée qu'ils empruntent. Il était donc impossible de rendre à César ce qui appartenait à César, et c'est à la meilleure rédaction que nous nous sommes attaché.

Notre seconde observation porte sur de légers changements de rédaction que nous avons fait subir à plusieurs notes. Ceux qui ont lu les commentateurs n'ignorent pas que, dans la chaleur de la discussion, ils s'accusent mutuellement d'ignorance et de pédantisme, et que souvent ils ne ménagent pas davantage le poëte qu'ils admirent. Heureux lorsqu'ils se bornent à ne trouver dans certains passages que des antithèses triviales, d'énormes bévues, des contre-sens grossiers, des métaphores de capitan, etc.! Rien de semblable ne devait se trouver dans notre commentaire. Nous avons adopté les critiques et repoussé les injures; et si le texte de la note a souffert quelques modifications, son esprit est resté le même, et nous osons croire que les commentateurs n'y ont pas perdu.

Quant à nos propres remarques, elles sont peu nombreuses, peu importantes, et cela devait être, après les travaux de tant de critiques habiles. Une chose nouvelle sur ce grand poëte pourrait être regardée aujourd'hui comme une découverte; et sans doute les futurs commentateurs n'auront d'autres res

sources que d'imiter Voltaire, qui, dans son enthousiasme pour Racine, voulait qu'on écrivit au bas de chaque page : Beau! pathétique! harmonieux!: sublime!

Suivant l'exemple donné par divers éditeurs, nous avons indiqué les pièces grecques et traduit les passages des auteurs latins qui avaient servi de modèles à Racine. Notre intention avait d'abord été d'emprunter à Geoffroy sa traduction des auteurs latins; mais elle nous a paru si négligée, que nous avons douté qu'elle fût son ouvrage. Il a donc fallu recommencer ce travail. Cependant, il est juste de le dire, chaque fois qu'un traducteur quelconque nous a offert une expression heureuse, une pensée bien rendue, nous l'avons prise sans façon. Cette méthode peut paraître nouvelle; mais nous la croyons utile. Pourquoi laisser perdre une belle inspiration dans un livre presque toujours destiné à l'oubli? Ces emprunts forcent d'ailleurs à mieux faire ce qu'on n'emprunte pas. Ainsi, loin de chercher les défauts des traducteurs, nous nous sommes appliqué à chercher leurs beautés pour nous en emparer, non comme d'un bien appartenant à nous, mais comme d'un bien appartenant au public.

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Qu'on ne s'attende point à retrouver ici la force, la concision, l'énergie du latin. Tacite surtout nous a mis au désespoir : nous l'avons abandonné et repris vingt fois; et, pour nous servir d'une expression de J.-J. Rousseau, un si rude jouteur nous a bientôt lassé. Dans cette lutte, où nous avons toujours été vaincu, il a bien fallu reconnaître, avec un de nos plus célèbres critiques, l'impossibilité de traduire un auteur sans altérer les formes de son style. Personne ne nous accusera sans doute de vouloir faire entendre que ce que nous n'avons pas fait, d'autres ne pourront le faire. Il ne s'agit ici ni de l'impuissance du talent, ni de celle des traducteurs, il s'agit du génie des langues. Certes il y a dans Bossuet des pages aussi concises que dans Tacite; mais ce n'est pas Tacite, c'est Bossuet. Notre langue peut tout exprimer, excepté les formes des langues anciennes ; et voilà, selon nous, ce qui rend une bonne traduction impossible.

La traduction des passages de l'Écriture cités dans les notes

d'Esther et d'Athalie est de M. le Maistre de Sacy. Cette traduction n'est pas toujours élégante, mais elle est toujours fidèle, et ce mérite est le premier de tous.

Il nous reste à parler du texte de cette édition. Celle de Geoffroy pouvait nous inspirer quelque confiance, et nous l'avons prise pour base de la nôtre, mais après l'avoir collationnée sur les éditions première et seconde, publiées sous les yeux de Racine. Deux autres éditions, celles de 1676 et 1687, faites durant la vie de l'auteur, et qu'on croit avoir été revues par Boileau, ont été également lues avec soin. Nous les avons comparées avec l'édition donnée immédiatement après la mort de Racine, et avec celle d'Amsterdam, de 1743, qu'on attribue à d'Olivet, et qui est justement recherchée des amateurs. Ce travail important n'a pas été infructueux, puisqu'il nous a donné plus de soixante variantes inconnues des commentateurs ou éditeurs qui nous ont précédé. Il a également servi à rectifier douze ou quinze passages du texte altérés dans toutes les éditions publiées de nos jours. La perfection est une chose bien difficile, puisque, malgré les recherches dont Racine n'a pas cessé d'être l'objet, nous avons pu faire une moisson si abondante. Après cet exemple, il serait téméraire d'avancer qu'il ne reste rien à faire aux futurs éditeurs de Racine.

Boileau disait que la France avait, comme l'Italie, ses auteurs classiques, et qu'il serait nécessaire de relever leurs beautés et leurs défauts dans des notes consacrées à ce seul objet. Notre travail est une réponse à ce vou. Le premier poëte des temps modernes méritait d'être assimilé aux premiers poëtes des temps anciens : nous avons fait pour lui ce qu'on fait pour Virgile. Puissent les hommes vraiment habiles s'emparer de cette idée, et reproduire dans une suite de Variorum tous les classiques français !

AIME-MARTIN.

SUR LA CINQUIÈME ÉDITION'.

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La quatrième édition du Racine Variorum est épuisée depuis longtemps, et les rares exemplaires qui passent dans les ventes publiques, recherchés par les amateurs, sont payés des prix exagérés. C'est donc pour répondre aux nombreuses demandes qui lui sont adressées, que M. Lefèvre s'est décidé à mettre sous presse cette cinquième édition.

La lecture de Racine est pleine d'attrait, on y revient sans cesse, et toujours on y découvre de nouvelles beautés. Il serait donc impossible que vingt ans d'une vie toute consacrée à l'étude se fussent écoulés sans aucun profit pour notre commentaire. Le livre tout entier s'est amélioré; et ce n'est point ici une phrase d'éditeur, c'est un fait qu'il est facile de vérifier, en comparant cette édition à toutes celles qui l'ont précédée.

Parmi ces améliorations on remarquera :

1° Plusieurs notes rectifiées;

20 Un grand nombre de notes nouvelles ;

3o Le nom des acteurs qui ont joué d'original les pièces de Racine;

M. Lefèvre a,

de nouveau, revu le texte sur l'édition de

1 Paris, 1844; 6 vol. in-8°.

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