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le culte dans le pays est très-ancien et dont la première basilique fut bâtie au nord de l'Église actuelle, sur les bords du Tarn. Au 5me siècle, le quartier de Ste.-Martianne fut réuni à la ville. Elle s'accrût ainsi successivement et devint bientôt beaucoup plus considérable. Cependant, deux des églises dont je viens de parler, Ste.-Cécile et St.-Afric, se trouvaient encore, en 878 et 924, hors des murs d'enceinte; vers la fin du 10me siècle, elle fut bien agrandie. Cent cinquante ans plus tard, des fossés étaient creusés aux lieux où se trouvent aujourd'hui ses promenades, et en 1351 les habitants, dans le but de se prémunir contre les attaques des Anglais, employèrent plus de trente mille livres tournois (1) à la construction de leurs remparts. Tous les lieux de la viguerie furent appelés à concourir à cette dépense. Le chapitre de Ste.-Cécile s'obligea lui-même à contribuer pour un tiers à la construction et à l'entretien de la muraille entre l'ancienne et la nouvelle église. Ces travaux, que vint visiter Amalric de Voisins, seigneur de Coufouleux, lieutenant du sénéchal de Carcassonne, furent exécutés avec une activité prodigieuse, sous la surveillance d'hommes de l'art envoyés par le sénéchal. Albi était regardé, à cette époque, comme la clé de la sénéchaussée; il importait dès-lors de le fortifier et de le mettre à l'abri d'un coup de main.

J'ai recueilli avec soin toutes les pièces relatives à ces travaux; elles seront publiées avec les documents. L'une d'entr'elles contient des détails curieux sur le nombre de portes et de tours qui furent construites. J'y annexerai aussi les actes qui fixèrent les limites du consulat d'Albi, ainsi que celles tracées entre le Castelviel et la ville (2). Des tableaux conservés à St.-Salvi et à la chapelle de l'Archevêché, donnent une idée exacte de ce qu'était Albi au 17me siècle.

Il n'entre point dans mon plan de rapporter tout ce qui pourrait ajouter à l'importance de cette ville, ni de retracer les luttes acharnées des peuples qui se disputèrent l'Albigeois; les invasions des Romains, des Visigots, des Francs et des Sarrazins, attirés par la

(1) Voir les pièces justificatives No 20. (2) Pièces justificatives Noa 21 et 22.

beauté du climat et la richesse du sol. Je ne dirai pas non plus les mouvements généreux et les efforts de nos ancêtres pour reconquérir leur indépendance et leur ancien nom. Il doit me suffire de rappeler que tous ces événements sont fidèlement racontés dans l'histoire générale de Languedoc qu'un archéologue (1), qui a rendu d'éminents services à la science, vient de populariser, en y ajoutant le fruit de ses recherches et de ses savantes observations. Je dois ménager un terrain précieux et j'ai hâte d'en venir aux coutumes d'Albi, dont l'examen me mettra à même de présenter des faits nouveaux.

ADMINISTRATION OU GOUVERNEMENT DE L'ALBIGEOIS.
COMTES D'ALBI.

En 615 l'Albigeois était gouverné par le comte Siagrius, qui prenait quelquefois le titre de duc. Charlemagne en donna le gouvernement au comte Aimon, qui avait toute sa confiance. A la mort d'Ermengaud, dernier comte particulier d'Albi, Eudes, duc de Toulouse, réunit l'Albigeois à son domaine. (2)

Les comtes administraient le pays qui leur était soumis, rendaient la justice par eux-mêmes ou par des officiers, joignaient à l'administration politique le commandement des troupes, faisaient lever les tributs et exercaient une surveillance active sur les domaines royaux. Ils devinrent de petits souverains qui profitèrent des troubles et de la faiblesse du gouvernement pour s'emparer des droits régaliens. Sous la seconde race de nos rois, ils ne recouraient à l'autorité du prince que pour recevoir de lui l'investiture de leur fief.

Il arrivait souvent alors que les comtes s'ingéraient de l'élection des évêques et des abbés; ils vendaient ces dignités ou choisissaient, pour les remplir, leurs amis ou leurs proches. Leurs usurpations s'étendirent aux franchises communales, et ils opprimèrent presque partout les libertés dont jouissaient les villes.

Les gouverneurs tenaient des plaids ou audiences publiques dans un lieu déterminé. Ils devaient être à jeun lorsqu'ils rendaient la

(1) M. A. du Mège, archéologue distingué, directeur du Musée des antiques de Toulouse, et dont la famille est originaire d'Albi.

(2) Comtes d'Albi: Siagrius en 615; Babon, 694; Aimon, 773; Wulfarius, 819; Ermengaud, 864.

justice. Leurs assesseurs étaient des magistrats connus sous le nom de Juniores, pour les distinguer de ceux qui avaient les principales dignités et qu'on nomma Seniores, d'où le titre français de seigneur a pris son origine. Ces magistrats avaient aussi le nom de Vicaires, d'où on a formé par la suite le nom de Viguier.

Dans des assemblées auxquelles l'évêque, les abbés, les vassaux du roi étaient obligés de se trouver, le comte jugeait les causes criminelles aussi bien que celles qui concernaient l'état des personnes. Au-dessous des assesseurs, il y avait des juges regardés en quelque sorte comme des magistrats municipaux : à Albi on les appelait juges civils; il devaient assister au nombre de sept à tous les plaids ou audiences; le comte les révoquait de même que les vicaires, quand ils étaient convaincus d'avoir prévariqué; alors on en choisissait d'autres dans une assemblée où le peuple donnait son suffrage.

On appelait Mallum l'endroit où se tenaient ces grandes assemblées publiques. On consacrait une maison à cet usage. Les petits plaids au contraire avaient lieu dans un local quelconque, désigné par le comte. Quelquefois les comtesses les présidaient elles-mêmes, en l'absence ou après la mort de leurs époux.

Au mois d'août 878, le comte Raymond, probablement le fils d'Eudes, duc de Toulouse, vint tenir un plaid à Albi, dans l'église de St.-Afric, placée alors hors des murs de la ville, et là, en présence des juges civils et d'un grand concours de personnes, il statua sur les différends qui existaient entre Carissime, abbesse du monastère de St.-Sernin, et plusieurs seigneurs, au sujet de propriétés dont ceux-ci revendiquaient l'usufruit.

Outre les assemblées ordinaires, il y en avait trois autres, chaque année, où toutes les personnes libres étaient convoquées pour donner leur avis sur certaines causes.

DES VICOMTES.

Après l'union de l'Albigeois au comté de Toulouse, Albi devint le partage d'un vicomte qui tenait la place du comte et qui en était comme le lieutenant-général.

Les vicomtes d'Albi (1) étaient, après les comtes de Toulouse, les plus riches et les plus puissants seigneurs de la contrée. Ils avaient des possessions immenses, et plusieurs autres vicomtes se déclaraient leurs vassaux. A Albi, ils exercaient une partie des pouvoirs judiciai– res par des baillis ou viguiers, et en retiraient les profits et émoluments. Le droit d'host et de chevauchée leur appartenait dans la ville, ils recevaient des habitants le serment de fidélité, percevaient les droits de péage et obtenaient une part dans les confiscations.

Le Castelviel, déjà appelé de ce nom à la fin du 11me siècle, était d'abord la résidence du vicomte. Ce seigneur fit construire, vers la même époque, dans l'intérieur de la ville, un palais estimé, en 1252, mille livres tournois (2) et qui prit le nom de château neuf d'Albi.

D'après un acte de 1177, récemment découvert et qui n'a point été publié, Guillaume Frotier ou Frotaire et Paganus, fils de Berenguière, reçoivent en garde les forteresses du Castelviel, de Tersac, Marsac et Abirac, et s'engagent à les rendre au vicomte Roger lorsqu'il en ordonnera la remise. Ils jurent en outre de veiller à leur conservation, et dans le cas où elles leurs seraient enlevées par la force, de combattre pour les recouvrer et les faire rentrer au pouvoir du vicomte. (3)

Des particularités curieuses qui fixent sur les droits et la juridiction du vicomte dans la ville d'Albi sont contenues dans un accord (4) de 1193, passé entre le vicomte et l'évêque. Des discussions sur les droits seigneuriaux s'étaient élevées entr'eux; dans le but d'y mettre fin, ils choisissent pour arbitres Sicard, vicomte de Lautrec, Frotaire, Pierre de Berens (Brens), Bernard de Boissezon et Doat Alaman, auxquels ils donnent plein pouvoir pour terminer leur différent. Ils s'y engagent par serment, sous peine de 100 marcs d'argent pour celui qui n'accepterait pas l'accord que les arbitres proposeraient. Ceux-ci entendent les observations faites par les

-9e, 1150, Raymond Trencavel.

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(1) Premier vicomte d'Albi en 918, Bernard Ier. -2o, en 937, Aton I.er-3e, En 956, Bernard II. -4o, 972, Aton II.—5o, 1032, Bernard Aton III.-6o, 1060, Raymond Bernard, surnommé Trencavel. -7, 1074, Bernard Aton IV. - 8, 1129, Roger 1.er. 10°, 1167, Roger II. 11°, Raymond Roger qui, en 1247, céda ses domaines au roi. (2) 18,000 fr. de notre monnaie. (3) Pièces justificatives No 1. (4) Pièces justificatives No 2.

parties, consultent les anciennes chartes, et après avoir pris conseil des savants de la cité, stipulent les droits de chacun. D'après cette transaction, la seigneurie du Castelviel appartient au vicomte, auquel on réserve aussi un tiers des redevances perçues dans la ville; les deux autres tiers sont dévolus à l'évêque. Le vicomte garde le barri du Puech Amadenc et en outre le péage du pont, sous la condition de l'entretenir en bon état. Chaque année à la fête de Noël, l'évêque et le vicomte percevaient, de concert, divers droits seigneuriaux qu'il serait trop long de détailler, mais qu'on verra avec intérêt dans la charte.

Il paraît qu'après que les pouvoirs du comte de Toulouse et du vicomte d'Albi furent détruits dans l'Albigeois, plusieurs petits seigneurs usurpèrent leurs prérogatives. Bientôt le désordre fut à son comble. Les habitants eux-mêmes refusèrent de payer les droits de Leude et se révoltèrent contre les officiers du roi.

Un mémoire, adressé en 1252 par le sénéchal de Carcassonne à la reine Blanche, constate ces faits. On y voit que le palais du vicomte devint alors la demeure d'Arnaud Garsia et de G. Fenasse, que le bourg ou quartier de St.-Etienne se trouvait au pouvoir de Guil. Dupuy, et qu'enfin G. Geisse et Sicard d'Alaman s'étaient emparés des droits de péage du pont. Le Puech Amadenc, le quartier le plus considérable de la ville, était possédé par plusieurs chevaliers ou bourgeois qui ne reconnaissaient d'autre chef que l'évêque. On cite parmi eux: Otger, Gorgoil et Sequier.

Comme les comtes, les vicomtes vendaient les évêchés au plus offrant. On trouve parmi les pièces justificatives de l'histoire de Languedoc un acte de 1038, par lequel Bernard, vicomte d'Albi, et Frotaire son frère, promettent de vendre, après la mort d'Amélius, pour le prix de 1000 sous, l'évêché d'Albi à Guillaume, fils de Bernard Aymar, pour le posséder pendant sa vie, soit qu'il se fit sacrer ou qu'il fit sacrer un autre à sa place.

C'était l'usage de piller les biens des évêques lorsqu'ils mouraient. Le vicomte Roger abolit, en 1144, cette coutume et promit, sur l'autel de Ste.-Cécile, d'être le défenseur de l'évêque et du clergé,

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