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nécessaire pour un transport complet qu'il s'achemine vers la sucrerie ou une gare de chemin de fer.

Il est parfois obligé de faire de longs détours pour arriver à l'usine avec ses attelages, et d'y attendre son tour de passage pendant une demi-journée. D'autre part, lorsqu'il livre sur wagon, il est souvent arrêté dans sa besogne par suite du manque de wagons disponibles.

A certains endroits, des sucreries ont installé des dépôts auxiliaires faisant toutes les opérations de la réception. Ces bureaux facilitent beaucoup la besogne des cultivateurs; mais les opérations y vont lentement et on y voit encore de malheureux attelages attendre de longues heures leur tour, sous la pluie et dans cette boue liquide que tous ceux qui ont passé aux abords des gares hesbignonnes connaissent.

On ne peut pas dire qu'il y ait en Hesbaye un assolement régulier. Si la culture de la betterave est rémunératrice, on en cultive autant qu'on peut, mais, vu les prix actuels, cette culture ne donne guère de profits. La monographie agricole de la région limoneuse et sablo-limoneuse estime le prix de revient d'un hectare de betteraves, dans la Hesbaye liégeoise, à 755 francs (1); or, le prix de vente, actuellement, n'est guère supérieur, mais on continue à produire cette plante, parce qu'on trouve dans les feuilles et la pulpe une nourriture abondante pour le bétail, parce que, d'autre part, sa culture exige beaucoup de travail et que le gros et le moyen cultivateur doivent pouvoir occuper toujours leurs ouvriers permanents.

Les petits cultivateurs ont des betteraves, parce que les fabricants, qui, souvent, sont en même temps marchands d'engrais, leur livrent des engrais à crédit; aussi parce que les fabricants leur avancent de l'argent et, enfin, parce que le prix de vente des betteraves est touché en une fois; à ce moment, les cultivateurs disposent donc d'une ronde somme d'argent.

(1) Page 108.

La culture de l'avoine a pris une très grande extension; autrefois, elle était cultivée sans fumure, à la fin de la rotation, pour épuiser l'engrais qui restait encore en terre; elle n'était considérée que comme une culture accessoire. Vu le prix avantageux qui se maintient grâce aux droits d'entrée sur les avoines étrangères, cette culture occupe actuellement des étendues importantes; dans la province de Liége, le rendement moyen s'élevait, en 1895, à 2,327 kilogrammes, presque le double de ce qu'il était en 1846 (1,248 kilogrammes).

On peut estimer qu'une ferme de 50 hectares, au nord de la province de Liége, peut vendre, en fait de produits récoltés, 15,000 kilogrammes de froment, 5,000 kilogrammes de seigle, 15,000 kilogrammes d'avoine, 5,000 kilogrammes de pommes de terre et 250,000 kilogrammes de betteraves.

Jusqu'ici, nous avions surtout en vue la grande et moyenne culture.

Voici les emblavures d'un petit cultivateur de Cras-Avernas (nord-ouest de la province de Liége):

4 hectare de betteraves;

5 d'hectare de trèfles;

d'hectare de luzerne;

1/2 hectare de pommes de terre;

1 1/4 hectare de froment et de seigle;
11 hectare d'avoine.

Les betteraves, l'avoine, la moitié des pommes de terre et parfois une partie du seigle sont vendus.

En général, surtout dans la partie nord de la Hesbaye, les terres sont très morcelées et se trouvent parfois à une grande distance des bâtiments de la ferme. Dans les communes étendues, cette distance est souvent de trois quarts de lieue et d'une lieue. Le nombre de parcelles est proportionnellement d'autant plus élevé que la ferme est plus petite.

Pour ne citer que quelques exemples à Neerhespen, dans le canton de Landen, les parcelles sont généralement de 15 ares à 2 hectares. Il en est très peu qui dépassent les

2 hectares. A Grandville, au nord de la province de Liége, une ferme de 65 hectares compte vingt-cinq parcelles.

Dans le sud de la Hesbaye liégeoise, là où la culture est la moins morcelée, on trouve des parcelles de 2 à 3 hectares et d'autres de 15 à 20 hectares. On nous a cité à Huppaye (Brabant hesbignon) une parcelle de 35 hectares, distante de 2 kilomètres des bâtiments de la ferme, mais c'est là tout à fait exceptionnel. Les propriétaires ont très peu recours à la loi du 17 juin 1887 réduisant les droits d'enregistrement pour les échanges de biens ruraux non bâtis. Cette loi est peu connue, et, d'autre part, les petits cultivateurs, surtout, trouvent que leur terre a des qualités qu'une autre terre mieux située n'a pas. Assez souvent, cependant, il se produit entre cultivateurs des échanges de culture pour des terres situées loin des bâtiments de l'exploitation sans que le propriétaire soit toujours mis au courant de ces échanges.

Les grands cultivateurs travaillent leurs terres au moyen de chevaux et de bœufs, les cultivateurs moyens se servent de chevaux, les petits cultivateurs surtout de vaches. Ceux-ci ont généralement assez bien de bétail et donc beaucoup de fumier d'étable. Cela rend leurs terres assez friables et le travail au moyen de vaches est possible.

Ce travail est naturellement le moins dispendieux. Dans le nord-est de la Hesbaye liégeoise, on nous a dit que la petite culture ne progressait pas comme dans d'autres parties de la Hesbaye, précisément parce que les petits cultivateurs y mettent un point d'honneur de cultiver leurs terres au moyen de chevaux.

On emploierait plus de bœufs comme animaux de trait s'il n'était pas si difficile de trouver des bouviers (1). Le bœuf tra

(1) Dans la statistique de Thomassin, faite pour le commencement du XIXe siècle, aucune charrue trainée par des boeufs ne figure pour la Hesbaye. Voir pp. 352 et suiv.

vaille moins vite que le cheval, mais l'effort produit est peutêtre aussi grand et, d'autre part, sa nourriture et son harnachement sont moins onéreux. En outre, il augmente de valeur et les tares qui peuvent lui survenir ne le déprécient pas. On l'engraissera et il sera vendu pour la boucherie.

Mais il s'agit de trouver des conducteurs qui aient suffisamment de patience! C'est en Hesbaye qu'on nous raconta l'histoire du bouvier qui, allant à confesse, s'accusa d'un nombre tellement grand de jurons que le confesseur s'en effraya; mais le pardon s'obtint plus facilement quand le pénitent eut ajouté qu'il conduisait les bœufs! « Si la conduite des chevaux influe sur le tempérament de leurs conducteurs, écrit Piret, il en est de même de la conduite des bœufs; ceux-ci, à la longue, donnent aux bouviers qui les conduisent quelque chose de leur placidité et de leur calme, de leur indolence relative, de leur lenteur et de leur patience. Les bouviers forment done. une classe entièrement distincte de celle des charretiers: ceuxci sont plus vifs, plus alertes, plus excitables; ceux-là sont plus mous, plus indolents, d'une humeur plus égale (1). »

La grande culture emploie en Hesbaye quasi tous les moyens mécaniques en usage dans l'agriculture de nos pays d'Europe et, sur place, il y a de bons constructeurs de beaucoup de ces machines.

Le travail du limon exige la charrue double Brabant, des extirpateurs, des herses et des rouleaux à action puissante; les semailles se font à la machine; l'épandage d'engrais au distributeur mécanique. Les semis sont entretenus et soignés par le passage de la houe à cheval et, à la récolte, on emploie des moissonneuses, des faucheuses, des faneuses, des rateaux automatiques, des arrache-pommes de terre et des arrache-betteraves. Le battage des grains se fait quasi complètement à la batteuse mécanique, actionnée par un manège à chevaux ou

(1) Traité d'économie rurale, t. II,

TOME V. LETTRES, ETC.

p. 433.

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une locomobile. On a, en outre, des concasseurs de tourteaux, des hache-paille, des tarares, des trieurs et des écrémeuses centrifuges.

Notons encore, au point de vue de la culture, que dans le nord de la Hesbaye (Hesbaye limbourgeoise et nord de la Hesbaye liégeoise), on se plaint assez fortement du maraudage que le garde champêtre ne parvient pas à faire cesser. Celui-ci d'ailleurs, dans cette partie de la Hesbaye, ne jouit généralement que de très peu de considération : « Quand on n'est bon à rien, on peut encore devenir garde champêtre », nous dit un jour un grand fermier.

Les plaintes relatives aux lapins ne sont pas du tout générales, comme dans certaines régions du pays. On se plaint davantage de ce que le propriétaire, se réservant le droit de chasse, cause assez souvent des dommages aux champs de betteraves et de pommes de terre en y passant avec ses amis, invités, porteurs et chiens. Comme il s'agit de son propriétaire, le fermier n'ose naturellement pas réclamer d'indemnité. Déjà, au commencement du siècle, on se plaignait en Hesbaye du dommage causé par les corbeaux. C'est ainsi que dans le livre d'annotations de la ferme de Fresin, tenu par le fermier Denvoz, nous trouvons des reconnaissances comme celles-ci : « Reçu du maire de Fresin, 7 florins et 10 liars pour avoir déniché 190 nits de corbeaux. Fresin, le 19 may 1817 (S.) Jean Dumon », ou encore: « payé à Gilles Lambert Gorkin 2 fl. 3 sous pour avoir déniché le nit de corbeaux ». Et, en 1819, nous trouvons annoté: «ce 20 may payé à Joseph 35 sous pour avoir déniché les corbeaux ». Actuellement encore, les corbeaux causent de grands dommages aux semailles : on les voit suivre les lignes du semoir mécanique, surtout sur les champs qui sont semés les premiers et les derniers.

Enfin, on se plaint des dommages, parfois considérables, causés par les hamsters et aussi, dans certaines communes, des vols commis par les renards. C'est ainsi qu'un régisseur nous dit qu'en 1906-1907 deux gardes chasse avaient pris,

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