INTRODUCTION.

Il existait de nombreux recueils de traités et conventions diplomatiques avant que GEO. FRED. DE MARTENS' conçût la pensée de former celui dont il commença la publication en 1790. Les plus importants sont ceux de DUMONT et de ROUSSET. Le premier (en tête duquel on a placé l'ouvrage de BARBEYRAC) embrasse les temps écoulés depuis Charlemagne jusqu'aux premières années du 18° siècle : il se compose de neuf volumes in-folio. Le second, en vingt-deux volumes, renferme des négociations, des mémoires et des traités; il commence à la paix d'Utrecht en 1713, et finit à celle d'Aix-la-Chapelle en 1748; il fut suivi, à la fin du 48° siècle, d'un recueil publié par WENCK, lequel embrasse les conventions diplomatiques conclues de 1735 à 1772.

Ces diverses collections, et d'autres encore, moins étendues quoique générales, tels que les recueils de MOETJENS, de SCHMAUSS, de MAILLARDIÈRE; ou plus spéciales, et bornées aux traités conclus par une seule nation, comme les recueils de LÉONARD, de LUNING, d'ABREU, - renfermaient déjà, quand Gro. FRED. DE MARTENS entreprit son recueil, tous les actes et documents diplomatiques relatifs aux grands événements sociaux qui ont remué le monde, guerres, alliances, partages, échanges, trêves, paix, etc.; — événements qui ont nécessairement été l'origine de conventions, lesquelles ont établi, fixé, ou modifié l'état politique des divers pays souverains de l'Europe, jusqu'en 17482, ainsi que les relations de ces divers pays avec les peuples de l'Asie et de la côte d'Afrique.

Mort en 1822, ministre plénipotentiaire de Hanovre à la diète germanique. 2 WENCK n'avait encore publié que deux volumes de son ouvrage, lorsque GEO FRED. DE MARTENS fit paraître les quatre premiers volumes du Recueil des traités.

Les traités de Munster et d'Osnabruck, en 1648, avaient réglé les intérêts et l'état politique des peuples et des souverains de l'Europe: — intérêts d'état, — de religion, — de commerce, — etc. Les peuples étaient fatigués d'une guerre qui avait duré trente ans, guerre dont dans la réformation religieuse avait été le prétexte, et dont les craintes qu'inspirait la puissance de la maison d'Autriche étaient l'origine réelle ; — les négociateurs cherchèrent donc à établir, entre les états, un équilibre politique qui, fondé sur les avantages mutuels, pût assurer la paix, en éloignant à l'avance tout motif et toute inquiétude de guerre nouvelle.

Le long règne de Louis XIV apporta diverses modifications à l'équilibre politique de l'Europe: la France s'agrandit de plusieurs provinces par la conquête, et vit son influence s'accroître par l'avénement au trône l'Espagne d'un prince français; — sous le règne suivant, la France s'assura, en outre, la remise, par réversion, d'une province nouvelle d'une grande importance. Or, les actes diplomatiques qui ont reconnu et consacré ces modifications majeures, et d'autres encore, apportées à l'équilibre politique établi par les traités de Westphalie, en 1648, sont tous compris dans les recueils d'actes diplomatiques qui ont été indiqués plus haut: ce sont, notamment, les traités des Pyrénées en 1659, d'Aix-la-Chapelle en 1668, — de Nimègue en 1678 et 1679, de Ratisbonne en 1684, de Ryswic en 1697, d'Utrecht en 1783, de Séville en 1729,- de Vienne en 1738. Plusieurs traités encore ont, sur divers points de l'Europe, consacré d'autres modifications, et ces actes se trouvent, soit dans la collection de DUMONT, soit dans celle de ROUSSET; ce sont, particu lièrement, les traités signés en 1660 à Oliva, en 1719, 1720 et 1724 à Stockholm, à Friderichsbourg et à Nystadt, par les souverains du Nord; en 1743 à Abo, entre la Russie et la Suède; enfin le traité d'Aix-la-Chapelle, en 1748, qui mit fin à la guerre de la succession d'Autriche, - traité qui a eu pour bases les traités cités plus haut, de 1648, 1678, 1679, 1697, 1743, ainsi que les traités de Breslau, de Berlin et de Turin en 1742, de Worms en 4743, de Francfort en 4744, de sen et de Dresde en 1745; - et qui a apporté de nombreux

en

et importants changements dans l'état politique de l'Europe; en conservant au roi de Prusse ses conquêtes en Silésie, assurant au roi de Sardaigne la possession de plusieurs territoires en Italie, etc.

jus

Depuis la paix d'Aix-la-Chapelle, en 1748 (c'est-à-dire depuis l'époque à laquelle se termine le recueil de Rousset, qu'en 1790, époque à laquelle GEO. FRED. DE MARTENS se décida à former sa précieuse collection), -WENCK avait fait paraître les deux premiers volumes de son recueil, lesquels n'embrassaient encore que les documents diplomatiques des années 1735 à 1754. Or, que d'événements importants s'étaient déjà succédé, non pas seulement depuis la paix d'Aix-la-Chapelle, mais depuis l'année 1754, à laquelle s'arrêtait le second volume de WENCK!

La guerre de sept ans, qui avait éclaté en 1756, et avait amené les traités de Paris et de Hubertsbourg en 1763;

Le Pacte de Famille, conclu en 1761, entre les princes de la maison de Bourbon;

L'acquisition de l'île de Corse par la France, en 1768;

Le premier démembrement de la Pologne, en 1772;

La cession, en 1773, par la Russie au Danemarck, des états de Holstein; - et l'érection en duché du comté d'Oldenbourg; La paix de Kutschouck-Kainards (ou Kaïnardgi), signée en 1774, laquelle étendit les frontières de la Russie vers la Turquie, et rendit la Crimée indépendante;

L'ouverture de la succession de Bavière, en 1777, qui occasionna en Europe de nouveaux troubles, terminés par la paix de Teschen en 1779;

La neutralité armée, proclamée en 1780, par les puissances du Nord, laquelle posa, d'une manière précise, en faveur du pavillon neutre en temps de guerre, des principes salutaires, équitables, et dignes de nations civilisées et chrétiennes : - principes que depuis 1742 jusqu'en 1780, un grand nombre de traités. diplomatiques avaient consacrés d'une façon plus ou moins explicite, et auxquels s'empressèrent d'adhérer, en 1680, sur la proposition de la Russie, la Hollande, l'Autriche, le Dane

marck, les Deux-Siciles, le Portugal, la Suède, enfin la France, qui, dès le milieu du 17e siècle, écrit dans ses traités «<que le pavillon couvre la marchandise; >>

La paix conclue en 1783, à Versailles, entre la France et la paix qui, après huit années d'hostilités sur

Grande-Bretagne,

terre et sur mer, assura:

D'une part, aux colonies anglaises de l'Amérique septentrionale, l'indépendance, dont, par l'acte de Juillet 1776, elles avaient déclaré vouloir jouir à l'avenir sous le nom d'États-Unis d'Amérique, et que la France avait reconnue par un traité en 1778; D'autre part, à la France et à l'Espagne, la possession de colonies importantes en Amérique, etc.;

La paix de Fontainebleau, dont l'instrument diplomatique fut signé en 1785, entre les plénipotentiaires de l'empereur d'Allemagne et des Provinces-Unies des Pays-Bas;

Enfin, la rupture, trop souvent renouvelée, de la paix, de 1760 à 1790, - et la signature des traités destinés à la rétablir entre les divers états européens, de même qu'entre ceux-ci et les états de l'Asie et de la côte d'Afrique.

En prenant pour point de départ de son recueil, les actes diplomatiques de l'année 1760, GEO. FRED. DE MARTENS satisfit donc aux besoins réels de l'époque. Il importait surtout, en effet, de mettre sous les yeux du public, et dans les mains des hommes d'état et des écrivains de l'histoire contemporaine, les actes diplomatiques les plus récents, que ne pouvaient nécessairement renfermer les vastes et précieuses collections de DUMONT et de ROUSSET. C'est ainsi que furent publiés, dès le principe, quatre volumes du Recueil de MARTENS 1.

Mais ce recueil ne pouvait s'arrêter à l'année 1790; la nécessité de le continuer se fit bientôt sentir. L'illustre publiciste donna successivement des suppléments qui embrassèrent les temps écoulés jusqu'en 1808; et il fit paraître de 1816 à 1820, sous le titre de Nouveau Recueil, quatre volumes, dont les deux premiers sont consacrés aux actes passés et publiés de 1808 à

Une seconde édition de ces quatre volumes du Recueil a été publiée en 4816,