PRÉFACE. Qu'il nous soit permis, au début de ce livre, de rendre un respectueux hommage à la mémoire de l'homme éminent dont l'Académie et le monde savant déplorent la perte, qui, le premier, révéla à la France les trésors enfouis dans les poudreuses archives de ses églises et de ses antiques abbayes, et, le premier aussi, réunit en un corps de doctrine et vulgarisa parmi nous des notions exactes et précises sur les institutions de la Gaule au moyen âge?. Nous trouvions dans les conseils de M. Guérard le guide le plus sûr, et nous gardons dans ses æuvres les modèles les plus parfaits, pour l'exécution des travaux de la nature de celui que M. le ministre de l'instruction publique et des cultes nous a fait l'honneur de confier à nos soins. C'est donc un hommage de reconnaissance en même temps que d'admiration que nous adressons ici à l'illustre érudit. à 1 a Les grands travaux que M. Guérard avait entrepris, et que la mort seule a pu interrompre, ont été continués par son ami et son digne successeur M. Natalis de Wailly, avec une pieuse et active sollicilude, qui rappelle l'abnégation et le fra ternel dévouement des religieux de la con- А Dès que le projet que nous avions formé de publier le Cartulaire de Beaulieu lui fut connu, il y applaudit et nous en , couragea à en poursuivre la réalisation. Ce recueil d'actes, dont la série commence à l'année 8231 et s'arrête aux premières années du xie siècle, est en effet l'un de ceux qui, par le nombre et l'importance des renseignements qu'il fournit, méritent le mieux d'être mis en lumière. N'importe-t-il pas, d'ailleurs, indépendamment de l'intérêt , que ce document présente, au point de vue de l'histoire générale, d'appeler enfin l'attention des archéologues sur ces régions montagneuses de la Gaule centrale, si négligées jusqu'à ce jour, et qui, par ce motif même, leur offrent un vaste champ d'observations nouvelles; sur ces populations qui semblent emprunter au sol sur lequel elles vivent le caractère de dureté et de résistance qui en est le trait distinctif; races opiniâtres, qui, restées longtemps celtiques après la conquête des Romains, furent longtemps romaines après la chute de l'empire d'Occident, au milieu du flot des invasions germaniques? Sans remonter à des époques trop éloignées de la période qui nous occupe, et pour ne citer que les témoignages les plus certains et les plus directs de cette fidélité persévérante au passé, nous rappellerons : La persistance des types du monnayage romain dans les pièces d'or mérovingiennes de fabrication limousine?; La persistance de la langue latine, d'où se forma plus tard cette langue romane, si riche, si souple et si harmonieuse, des troubadours limousins; La persistance de la législation romaine, que nos chartes nous montrent encore en vigueur sous les successeurs de Charlemagne'; Enfin la persistance des anciennes circonscriptions des vicaires et centeniers, lesquelles, devenues depuis divisions géographiques, se maintinrent dans notre province jusqu'à la fin du xro siècle, alors que partout ailleurs elles avaient depuis longtemps disparu. PLAN DE L'ÉDITION. Ce livre se compose de trois parties principales : L'introduction au Cartulaire, le texte du Cartulaire, les tables. INTRODUCTION. Dans l'Introduction, nous faisons connaître : 1° L'histoire du monastère de Beaulieu et de la ville à laquelle il donna naissance, histoire qui tire un intérêt tout particulier des luttes de l'autorité abbatiale contre ses propres officiers, contre les vicomtes de Turenne et les seigneurs de Castelnau, ses voisins et trop puissants feudataires; 2° Les offices monastiques et les offices séculiers : parmi ces derniers, ceux de l'abbé laïque, des serfs-vicaires et plus tard des vicaires de Favars et de Beaulieu, fiscalins affranchis d'hier, vassaux déjà insubordonnés, personnifiant le mouvement social dont l'émancipation des communes est une des plus éclatantes manifestations; |